Chronological
Réponse de Job à Éliphaz
Job se sent trahi par ses amis
6 Job prit la parole et dit :
2 Ah ! si mon affliction ╵pouvait être pesée
et s’il était possible ╵de mettre toute ma misère ╵sur les plateaux d’une balance,
3 assurément mon malheur ╵est plus pesant ╵que le sable des mers,
c’est pourquoi mes paroles ╵dépassent la mesure.
4 Car les flèches du Tout-Puissant ╵sont plantées dans mon être
et mon esprit boit leur poison[a],
oui, je suis assailli ╵par les terreurs que Dieu m’envoie.
5 Un âne se met-il à braire ╵pendant qu’il broute l’herbe tendre ?
Un bœuf se met-il à mugir ╵quand il est devant son fourrage ?
6 Un repas fade et insipide ╵se mange-t-il sans sel ?
Peut-on trouver de la saveur ╵dans le blanc d’œuf ?
7 Ce qu’autrefois je refusais ╵est devenu ma nourriture.
C’est là mon pain, ╵même s’il me répugne[b].
8 Ah ! qui fera ╵aboutir ma requête !
Que Dieu m’accorde ╵ce que j’espère !
9 Que Dieu consente ╵à m’écraser !
Qu’il laisse aller sa main ╵et me détruise.
10 J’aurai du moins un réconfort,
et je tressaillirai de joie ╵au sein de tourments implacables,
car je n’aurai trahi ╵aucun des ordres du Dieu saint.
11 Pourquoi espérerais-je ╵quand je n’ai plus de force ?
A quoi bon vivre encore ╵vu la fin qui m’attend ?
12 Du roc ai-je la résistance ?
Mon corps est-il de bronze ?
13 Et puiserai-je encore en moi ╵des ressources pour m’en sortir ?
Toute aide m’est ôtée.
14 L’homme désespéré ╵a droit à de la compassion ╵de la part d’un ami,
oui, même s’il cessait[c] de craindre ╵le Tout-Puissant.
15 Mes amis m’ont trahi ╵comme un torrent,
comme un de ces cours d’eau ╵dont le lit est à sec.
16 Lorsque la glace fond ╵et que les neiges ╵s’engloutissent en eux,
ils charrient des eaux troubles.
17 Mais à la saison sèche, ╵leurs cours tarissent.
Quand viennent les chaleurs, ╵ils s’éteignent sur place.
18 Pour eux, les caravanes ╵dévient de leur chemin,
elles vont s’enfoncer ╵loin dans les solitudes, ╵et elles y périssent.
19 Les caravanes de Téma[d] ╵les cherchent du regard,
les convois de Saba[e] ╵comptent sur eux.
20 Mais ils sont pleins de honte ╵d’avoir mis leur espoir en eux :
arrivés jusqu’à eux ╵ils étaient tout penauds.
21 C’est là ce que vous êtes ╵pour moi en ce moment :
en voyant mon malheur, ╵vous êtes pris de peur !
22 Et pourquoi donc ? ╵Vous ai-je dit : ╵« Donnez-moi de vos biens
et, de votre fortune, ╵payez une rançon,
23 pour me faire échapper ╵aux mains de l’adversaire
et pour me délivrer ╵du pouvoir des tyrans » ?
24 Faites-le-moi savoir ╵et moi je me tairai.
En quoi ai-je failli ? ╵Faites-le-moi comprendre !
25 Ah ! Combien seraient efficaces ╵des discours équitables !
Mais à quoi servent vos critiques ?
26 Avez-vous l’intention ╵de blâmer de simples paroles,
des mots jetés au vent ╵par un désespéré[f] ?
27 Sur un orphelin même, ╵vous iriez vous ruer
et feriez bon marché ╵de votre ami intime.
28 Mais, veuillez cependant ╵me regarder en face :
vous mentirais-je effrontément ?
29 Revenez en arrière, ╵ne soyez pas perfides.
Oui, revenez encore, ╵car c’est mon innocence ╵qui est en cause.
30 Y a-t-il dans ma bouche ╵de la perversité ?
Mon palais ne sait-il ╵plus discerner le mal ?
Pourquoi la souffrance ?
7 Le sort de l’homme sur la terre ╵est celui d’un soldat
et ses jours sont semblables ╵à ceux d’un mercenaire.
2 Il est comme un esclave ╵qui soupire après l’ombre[g]
et comme un ouvrier ╵qui attend son salaire.
3 J’ai reçu en partage ╵des mois de déception,
j’ai trouvé dans mon lot ╵des nuits de peine amère.
4 Dès que je suis couché, je dis : ╵« Quand vais-je me lever ? »
Sitôt levé, je pense : ╵« Quand donc viendra le soir[h] ? »
Et, jusqu’au crépuscule, ╵je suis agité de douleurs.
5 Mon corps est couvert de vermine ╵et de croûtes terreuses,
ma peau s’est crevassée, ╵partout, mes plaies suppurent.
6 Mes jours se sont enfuis ╵plus rapides que la navette ╵d’un tisserand habile.
Ils tirent à leur fin ╵sans qu’il y ait d’espoir.
7 Rappelle-toi, ô Dieu, ╵que ma vie n’est qu’un souffle
et que jamais mes yeux ╵ne reverront plus le bonheur.
8 Oui, l’œil qui me regarde ╵ne pourra plus me voir,
tes yeux me chercheront ╵et j’aurai disparu.
9 Tout comme une nuée ╵qui se dissipe et passe,
l’homme va dans la tombe[i] ╵pour n’en plus remonter.
10 Il ne reviendra plus ╵dans sa maison
et sa demeure même ╵ne le reconnaît plus.
11 C’est pourquoi je ne veux ╵plus réfréner ma langue,
je parlerai ╵dans ma détresse,
je me lamenterai ╵car mon cœur est amer.
12 Suis-je donc une mer ╵ou un monstre marin
pour que tu établisses ╵contre moi, une garde[j] ?
13 Si je me dis : ╵« Mon lit m’apaisera,
ma couche m’aidera ╵à porter ma douleur »,
14 alors tu m’épouvantes ╵par d’affreux cauchemars
et tu me terrifies ╵par des visions nocturnes.
15 J’aimerais mieux être étranglé,
la mort vaudrait bien mieux ╵que vivre dans ces os.
16 Je suis plein de dégoût ! ╵Je ne durerai pas toujours.
Laisse-moi donc tranquille : ╵ma vie est si fragile.
17 Qu’est-ce que l’homme, ╵pour que tu fasses ╵un si grand cas de lui,
et pour que tu lui prêtes ╵une telle attention,
18 pour que tu l’examines ╵matin après matin,
et pour qu’à chaque instant ╵tu viennes l’éprouver ?
19 Quand détourneras-tu ╵enfin tes yeux de moi ?
Ne lâcheras-tu pas ╵un instant ton étreinte, ╵ne fût-ce que le temps ╵d’avaler ma salive ?
20 Et puis même si j’ai péché, ╵que t’ai-je fait, à toi, ╵censeur des hommes ?
Pourquoi donc m’as-tu pris pour cible ?
Suis-je devenu une charge[k] ?
21 Pourquoi ne veux-tu pas ╵pardonner mon offense
et ne passes-tu pas ╵sur mon iniquité ?
Bientôt j’irai dormir ╵au sein de la poussière
et tu me chercheras, ╵mais je ne serai plus.
Premier discours de Bildad
Dieu est juste
8 Bildad de Shouah prit la parole et dit :
2 Combien de temps encore ╵tiendras-tu ces discours ?
Oui, jusqu’à quand ╵tes propos seront-ils ╵un vent impétueux ?
3 Dieu fléchit-il le droit,
ou bien le Tout-Puissant ╵fausse-t-il la justice ?
4 Si tes fils ont péché,
il a dû les livrer ╵aux conséquences de leurs fautes.
5 Mais si tu as recours à Dieu,
si tu demandes grâce ╵auprès du Tout-Puissant,
6 si tu es sans reproche, ╵si tu es droit,
il ne tardera pas ╵à s’occuper de toi,
et il rétablira ╵pleinement ta justice[l].
7 Ta condition passée ╵semblera peu de chose,
tant sera florissante ╵ta condition nouvelle.
8 En effet, interroge donc ╵les générations précédentes
et médite avec soin ╵l’expérience des pères,
9 car nous sommes d’hier ╵et nous ne savons rien
puisque nos jours sur terre ╵s’effacent comme une ombre.
10 Les anciens t’instruiront ╵et ils te parleront ;
ils tireront de leur intelligence ╵les sentences suivantes :
11 Le papyrus croît-il ╵en dehors du marais ?
Le jonc peut-il pousser sans eau[m] ?
12 Alors qu’il est en fleurs ╵sans qu’on l’ait arraché,
avant les autres herbes, ╵déjà, il se dessèche.
13 Telle est la destinée ╵de ceux qui oublient Dieu,
et l’espoir de l’impie ╵sera anéanti.
14 L’objet de sa confiance ╵sera brisé comme un fil[n],
il place son espoir ╵dans une toile d’araignée.
15 Il prend appui sur sa maison ╵mais elle ne résiste pas,
il se cramponne à elle ╵mais elle ne tient pas debout.
16 Sous le soleil, ╵il est plein de vigueur,
et ses rameaux s’étendent, ╵couvrant tout son jardin,
17 il entrelace ses racines ╵à un monceau de pierres
et elles se fraient un chemin ╵jusqu’au cœur des rochers.
18 Mais il s’est arraché ╵du lieu qu’il occupait ;
et celui-ci prétend : ╵« Je ne t’ai jamais vu. »
19 Voilà quelle est la joie ╵qu’il trouve sur sa voie.
Et d’autres, à leur tour, ╵de la poussière germeront.
20 Voici, Dieu ne rejette ╵jamais l’homme innocent,
et jamais il ne prête ╵main-forte aux malfaisants.
21 Il remplira encore ╵ta bouche d’allégresse,
et mettra sur tes lèvres ╵des cris de joie.
22 Tous ceux qui te haïssent ╵seront couverts de honte.
Les tentes des méchants ╵disparaîtront.
Réponse de Job à Bildad
Dieu est le plus fort
9 Alors Job prit la parole et dit :
2 Oui, certes, je le sais, ╵il en est bien ainsi :
comment un homme ╵serait-il juste devant Dieu[o] ?
3 Qui donc s’aviserait ╵de plaider contre lui ?
Même une fois sur mille, ╵il ne pourra répondre[p].
4 Dieu est riche en sagesse, ╵et puissante est sa force.
Qui pourrait le braver ╵et s’en sortir indemne ?
5 Lui qui déplace les montagnes ╵sans qu’elles ne s’en doutent
et les renverse en sa colère,
6 il fait trembler la terre ╵jusqu’en ses fondations :
ses colonnes chancellent.
7 Il ordonne au soleil ╵de ne pas se lever[q],
et met sous scellés les étoiles.
8 Lui seul déploie le ciel
et marche sur la mer, ╵sur ses plus hautes vagues.
9 Il a fait la Grande Ourse, ╵Orion et les Pléiades[r],
et les constellations australes.
10 Il accomplit des œuvres ╵grandioses, insondables,
et des prodiges innombrables[s].
11 S’il passait près de moi, ╵je ne le verrais pas,
puis il s’éloignerait, ╵je ne m’en apercevrais pas.
12 Qui peut lui retirer ╵la proie qu’il prend de force ?
Qui osera lui dire : ╵« Que fais-tu là ? »
13 Dieu ne retient pas sa colère.
Et devant lui s’effondrent ╵tous les appuis de l’orgueilleux[t].
14 Combien moins oserais-je ╵lui donner la réplique,
et quels mots choisirais-je ╵pour plaider avec lui ?
15 Même si je suis juste, ╵je ne peux rien répondre.
Je ne puis qu’implorer ╵la pitié de mon juge.
16 Si même, à mon appel, ╵il daignait me répondre,
je ne pourrais quand même ╵pas croire qu’il m’écoute,
17 car il m’a assailli ╵par un vent de tempête,
il a multiplié ╵mes blessures sans cause.
18 Il ne me permet pas ╵de reprendre mon souffle,
tant il me rassasie de fiel.
19 Recourir à la force ? ╵Mais il est le plus fort.
Ou faire appel au droit ? ╵Qui donc l’assignera[u] ?
20 Si j’étais juste, ╵ma bouche même me condamnerait.
Si j’étais innocent, ╵ma bouche me donnerait tort.
21 Suis-je vraiment intègre ? ╵Je ne sais où j’en suis :
je méprise ma vie.
22 Que m’importe, après tout ! ╵C’est pourquoi j’ose dire :
« Il détruit aussi bien ╵l’innocent que l’impie. »
23 Quand survient un fléau ╵qui tue soudainement,
Dieu se rit des épreuves ╵qui atteignent les justes.
24 Quand il livre un pays ╵au pouvoir des méchants,
il en aveugle tous les juges.
Et si ce n’est pas lui, ╵alors, qui est-ce donc ?
25 Mes jours ont fui plus vite ╵qu’un agile coureur,
ils se sont écoulés, ╵mais sans voir le bonheur,
26 ils ont glissé, rapides ╵comme un esquif de jonc[v],
comme le vol d’un aigle ╵qui fonce sur sa proie.
27 Si même je me dis : ╵« Laisse donc de côté ta plainte,
va, change de visage, ╵ressaisis-toi ! »,
28 je redoute tous mes tourments
car je sais bien ╵que tu ne me traiteras pas ╵en innocent.
29 Je serai tenu pour coupable !
Alors, pourquoi devrais-je ╵me donner tant de peine en vain ?
30 J’aurais beau me laver ╵avec de l’eau de neige,
oui, j’aurais beau me nettoyer ╵les mains avec de la potasse[w],
31 toi tu me plongerais ╵dans un bourbier fangeux
pour que mes habits mêmes ╵me prennent en horreur.
32 Car il n’est pas ╵un homme comme moi, ╵pour que je lui réplique
ou pour que nous comparaissions ╵ensemble au tribunal.
33 Il n’y a pas[x] d’arbitre ╵pouvant s’interposer
et trancher entre nous,
34 qui détournerait de moi son bâton
pour que les terreurs qu’il me cause ╵ne m’épouvantent plus !
35 Alors je parlerai ╵sans avoir peur de lui.
Mais ce n’est pas le cas, ╵je suis tout seul avec moi-même !
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