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Accession d’Esther au trône 1.1–2.23

Destitution de la reine Vasthi

C'était à l’époque d'Assuérus, de cet Assuérus qui régnait sur 127 provinces depuis l'Inde jusqu'en Ethiopie. Le roi Assuérus siégeait à ce moment-là à Suse, la capitale. La troisième année de son règne, il organisa un banquet pour tous ses princes et serviteurs. Les responsables militaires des Perses et des Mèdes, les nobles et les chefs des provinces furent réunis devant lui. Il étala la glorieuse richesse de son royaume et l'éclatante splendeur de sa grandeur. Cela dura longtemps: 180 jours.

A la fin de cette période, le roi organisa un banquet pour toute la population de Suse, la capitale, du plus grand au plus petit. Celui-ci dura 7 jours et eut pour cadre le jardin du palais. Des tentures blanches, vertes et bleues étaient attachées par des cordons de fin lin et de pourpre à des anneaux d'argent et à des colonnes de marbre. Des lits en or et en argent reposaient sur un pavé de porphyre, de marbre, de nacre et de pierres noires. On servait à boire dans des récipients en or, tous différents les uns des autres, et il y avait du vin royal dans une abondance qui reflétait la puissance du roi. Cependant, conformément au décret, on ne forçait personne à boire. En effet, le roi avait ordonné à tous ses serviteurs de se conformer à la volonté de chacun. De son côté, la reine Vasthi organisa aussi un banquet pour les femmes du palais royal d’Assuérus.

10 Le septième jour, placé dans de joyeuses dispositions par le vin, le roi Assuérus ordonna à Mehuman, Biztha, Harbona, Bigtha, Abagtha, Zéthar et Carcas, les sept eunuques qui étaient à son service, 11 de faire venir devant lui la reine Vasthi, coiffée de la couronne royale, pour montrer sa beauté aux peuples et aux princes. En effet, c’était une belle femme. 12 Cependant, la reine Vasthi refusa de venir quand les eunuques lui transmirent le message du roi. Le roi s’en montra très fâché et en nourrit une ardente colère. 13 Il s'adressa donc aux sages astrologues, car c’était ainsi que se traitaient les affaires royales: devant tous ceux qui connaissaient les lois et le droit. 14 Son proche entourage était composé de Carshena, Shéthar, Admatha, Tarsis, Mérès, Marsena, Memucan. Ces sept princes de Perse et de Médie étaient admis en présence du roi et occupaient les premières places dans le royaume. 15 Il leur demanda: «D’après la loi, comment faut-il traiter la reine Vasthi suite à son refus de respecter l’ordre du roi Assuérus transmis par les eunuques?» 16 Memucan répondit devant le roi et les princes: «Ce n'est pas seulement vis-à-vis du roi que la reine Vasthi s’est mal comportée, c'est aussi vis-à-vis de tous les princes et de tous les peuples qui habitent toutes les provinces du roi Assuérus. 17 En effet, l’attitude de la reine déteindra sur l’ensemble des femmes et les incitera à porter un regard méprisant sur leur mari. Elles diront: ‘Le roi Assuérus avait ordonné qu'on fasse venir la reine Vasthi devant lui, et elle n'y est pas allée.’ 18 Aujourd’hui déjà, les princesses de Perse et de Médie qui ont entendu parler de l’attitude de la reine s’adresseront de la même manière à tous les princes du roi, ce qui entraînera beaucoup de mépris et de colère. 19 Si le roi le juge bon, il devrait émettre un édit royal et l’inscrire dans les lois des Perses et des Mèdes, avec défense de l’enfreindre. Cet édit interdirait à Vasthi de se présenter devant le roi Assuérus et préciserait que le roi donnera le titre de reine à une autre qui soit meilleure qu'elle. 20 Le décret du roi sera connu dans tout son royaume, malgré son immensité, et toutes les femmes honoreront leur mari, du plus grand au plus petit.»

21 Le roi et les princes trouvèrent le conseil bon, et le roi agit conformément à la parole de Memucan: 22 il envoya des lettres à toutes ses provinces, à chaque province dans son écriture et à chaque peuple dans sa langue, pour dire que tout homme devait être le chef de son foyer et y parler sa langue maternelle.

Choix d’Esther comme reine

Après ces événements, une fois sa colère apaisée, le roi Assuérus pensa avec regret à Vasthi, à ce qu'elle avait fait et à la décision qui avait été prise à son sujet. Alors les jeunes serviteurs du roi dirent: «Qu'on recherche des jeunes filles qui soient vierges et belles pour le roi. Que le roi désigne, dans toutes les provinces de son royaume, des inspecteurs chargés de rassembler toutes les jeunes filles vierges et belles à Suse, la capitale, dans le harem, sous l’autorité d'Hégaï, l’eunuque du roi responsable des femmes! Il leur fournira les produits cosmétiques nécessaires, et la jeune fille qui plaira au roi deviendra reine à la place de Vasthi.» Le roi trouva le conseil bon et s’y conforma.

Il y avait à Suse, la capitale, un Juif du nom de Mardochée. C’était un fils de Jaïr, un descendant de Shimeï et de Kis, un Benjaminite qui avait quitté Jérusalem en compagnie du groupe d’exilés partis avec Jéconia, le roi de Juda, sur ordre de Nebucadnetsar, le roi de Babylone. Il se chargeait de l’éducation d’Hadassa, alias Esther, la fille de son oncle, car elle n'avait plus ni père ni mère. Cette jeune fille était belle à tout point de vue. A la mort de ses parents, Mardochée l'avait adoptée.

Lorsqu'on proclama le message du roi, qui avait valeur de loi, et qu’on rassembla un grand nombre de jeunes filles à Suse, la capitale, sous l’autorité d'Hégaï, Esther fut aussi prise. Elle fut conduite au palais et placée sous l’autorité d'Hégaï, le responsable des femmes. La jeune fille lui plut et gagna sa sympathie. Il s'empressa de lui fournir les produits cosmétiques et les éléments dont elle avait besoin. Il lui donna aussi sept jeunes filles sélectionnées parmi le personnel du palais, puis il la déplaça avec ses suivantes dans le meilleur appartement du harem.

10 Esther ne révéla ni son origine ni sa famille, car Mardochée lui avait interdit de le faire. 11 Chaque jour il se promenait devant la cour du harem pour s’assurer du bien-être d’Esther et de la façon dont on la traitait.

12 Chaque jeune fille devait se rendre vers le roi Assuérus lorsque c’était son tour, soit après 12 mois passés à prendre soin de son corps, conformément à la règle en vigueur pour les femmes: 6 mois avec de l'huile de myrrhe et 6 mois avec des aromates et des produits cosmétiques spécifiquement féminins. 13 C'est ainsi que chaque jeune fille se rendait vers le roi. Quand elle passait du harem au palais, on lui permettait de prendre avec elle tout ce qu'elle demandait. 14 Elle y allait le soir, et le lendemain matin elle passait dans le second harem, sous l’autorité de Shaashgaz, l’eunuque du roi responsable des concubines. Elle ne retournait plus vers le roi, à moins que celui-ci n’ait envie d’elle et qu'elle ne soit nommément appelée.

15 Lorsque son tour d'aller vers le roi arriva, Esther, fille d'Abichaïl – l’oncle de Mardochée, celui qui l'avait adoptée – ne réclama que ce que lui conseilla Hégaï, l’eunuque du roi responsable des femmes. Elle gagnait les faveurs de tous ceux qui la voyaient. 16 Esther fut conduite vers le roi Assuérus, dans son palais royal, le dixième mois – c’est-à-dire le mois de Tébeth – la septième année de son règne. 17 Le roi préféra Esther à toutes les autres femmes, elle gagna ses faveurs et sa sympathie plus que toutes les autres jeunes filles. Il mit la couronne royale sur sa tête et la proclama reine à la place de Vasthi. 18 Le roi organisa un grand banquet pour tous ses princes et serviteurs, et ce en l'honneur d'Esther. Il accorda aussi des dispenses d’impôts aux provinces et distribua des cadeaux avec une générosité toute royale.

Echec d’un complot grâce à Mardochée

19 La deuxième fois qu'on rassembla des jeunes filles, Mardochée était assis à la porte du roi. 20 Esther n'avait toujours pas révélé ni sa famille ni son origine, car Mardochée le lui avait interdit, et elle respectait ses ordres comme lorsqu’elle était sous sa tutelle. 21 A ce moment-là, Mardochée était donc assis à la porte du roi. Bigthan et Théresh, deux eunuques du roi qui avaient la garde de l’entrée, eurent un mouvement d'irritation et cherchèrent à porter la main contre le roi Assuérus. 22 Mardochée en fut informé et le révéla à la reine Esther, qui parla de sa part au roi. 23 L’information fut vérifiée et confirmée, de sorte que les deux eunuques furent pendus à une potence. Tout cela fut enregistré par écrit dans les annales en présence du roi.

Menace contre les Juifs 3.1–9.19

Edit d’Haman contre les Juifs

Après ces événements, le roi Assuérus accorda plus d’importance et de pouvoir à Haman, fils d'Hammedatha, l'Agaguite. Il lui donna une position supérieure à celle de tous les princes de son entourage. Tous les serviteurs du roi qui se tenaient à la porte du roi pliaient le genou et se prosternaient devant Haman, car cela correspondait aux ordres du roi à son sujet. Mardochée, cependant, ne pliait pas le genou et ne se prosternait pas. Les serviteurs du roi qui se tenaient à la porte du roi lui dirent: «Pourquoi enfreins-tu l’ordre du roi?» Comme ils le lui répétaient chaque jour et qu'il ne les écoutait pas, ils informèrent Haman de son attitude pour voir s’il persisterait dans sa décision. En effet, il leur avait dit qu'il était juif. Haman s’aperçut qu’effectivement Mardochée ne pliait pas le genou et ne se prosternait pas devant lui, et il fut rempli de colère. Cependant, il ne jugea pas suffisant de porter la main contre Mardochée seul. En effet, on lui avait révélé à quel peuple celui-ci appartenait et il chercha à exterminer tous les Juifs installés dans tout le royaume d'Assuérus, à savoir le peuple de Mardochée.

La douzième année du règne d’Assuérus, le premier mois, c’est-à-dire le mois de Nisan, on jeta le «pour» – c'est-à-dire le sort – devant Haman pour chaque jour et chaque mois successivement, et le sort désigna le douzième mois, c’est-à-dire celui d'Adar.

Haman dit alors au roi Assuérus: «Il y a dans l’ensemble des provinces de ton royaume un peuple unique, bien que dispersé, qui reste bien à part parmi les peuples. Il a des lois différentes de celles de tous les autres peuples et n'applique pas celles du roi. Le roi n’a aucun intérêt à le laisser tranquille. Si donc tu le juges bon, qu'on donne par écrit l'ordre de les faire disparaître. Ce sont 300 tonnes d'argent que je remettrai aux fonctionnaires pour le trésor du roi.»

10 Le roi retira l’anneau[a] de sa main et le donna à Haman, fils d'Hammedatha, l'Agaguite qui était l’adversaire des Juifs, 11 et il lui dit: «L'argent et ce peuple sont à ta disposition. Fais-en ce que tu voudras.»

12 On convoqua les secrétaires du roi le treizième jour du premier mois et l'on écrivit un message en tout point conforme aux ordres d’Haman et adressé aux satrapes du roi, aux gouverneurs de chaque province et aux chefs de chaque peuple, à chaque province dans son écriture et à chaque peuple dans sa langue. Le message fut écrit au nom du roi Assuérus et l’on y apposa l’empreinte du roi. 13 Les lettres furent envoyées par l’intermédiaire de coursiers dans toutes les provinces du roi. Elles disaient qu’il fallait en un seul jour – le treizième du douzième mois, c’est-à-dire le mois d'Adar – exterminer, massacrer et supprimer tous les Juifs, jeunes et vieux, petits enfants et femmes, et procéder au pillage de leurs biens. 14 Une copie du document devait être donnée avec force de loi à chaque province et être communiquée à tous les peuples afin qu’ils soient prêts pour ce jour-là. 15 Les coursiers partirent sans tarder, sur ordre du roi. L'édit fut aussi proclamé à Suse, la capitale, et, tandis que le roi et Haman s’installaient pour boire, la ville de Suse était plongée dans la consternation.

Démarche de Mardochée auprès d'Esther

Informé de tout ce qui se passait, Mardochée déchira ses vêtements, se couvrit d'un sac et de cendre, puis sillonna la ville en criant à pleine voix son amertume. Il alla ainsi jusqu'aux abords de la porte du roi, car son entrée était interdite à toute personne habillée d'un sac. Dans chaque province, partout où arrivait le message du roi, qui avait valeur de loi, les Juifs menaient grand deuil, avec jeûne, pleurs et lamentations; beaucoup avaient pour lit le sac et la cendre.

Lorsque ses servantes et ses eunuques vinrent lui rapporter ce qui se passait, la reine Esther en fut toute bouleversée. Elle fit parvenir des vêtements à Mardochée pour le pousser à s’habiller et à retirer son sac, mais il ne les accepta pas. Elle appela alors Hathac, l'un des eunuques que le roi avait attachés à son service, et le chargea d'aller demander à Mardochée ce qu’il avait et pourquoi il se comportait de cette manière. Hathac rejoignit Mardochée sur la place de la ville qui fait face à la porte du roi, et Mardochée lui raconta tout ce qui lui arrivait. Il lui précisa même la quantité d'argent qu'Haman avait promis de verser dans le trésor du roi pour pouvoir faire disparaître les Juifs. Il lui donna aussi une copie de l'édit proclamé dans Suse en vue de leur extermination afin qu'il le montre à Esther et lui fasse un rapport, en la chargeant de se rendre chez le roi pour lui demander grâce et plaider la cause de son peuple.

Hathac vint rapporter à Esther les paroles de Mardochée. 10 Celle-ci le chargea alors d'aller dire à Mardochée: 11 «Tous les serviteurs du roi et la population de ses provinces savent que toute personne, homme ou femme, qui pénètre chez le roi, dans la cour intérieure, sans avoir été convoquée n’a droit qu’à un seul verdict: la mort. La seule personne qui reste en vie est celle à qui le roi tend le sceptre en or. Or, en ce qui me concerne, cela fait 30 jours que je n'ai pas été appelée vers lui.»

12 On rapporta donc à Mardochée les paroles d'Esther, 13 et Mardochée lui fit répondre: «Ne t'imagine pas que ta position au palais te permettra d’être sauvée, au contraire de tous les Juifs. 14 En effet, si tu gardes le silence maintenant, le secours et la délivrance surgiront d'autre part pour les Juifs, tandis que ta famille et toi vous mourrez. Qui sait? Peut-être est-ce pour une circonstance telle que celle-ci que tu es parvenue à la royauté.»

15 Esther fit répondre à Mardochée: 16 «Va rassembler tous les Juifs qui se trouvent à Suse et jeûnez pour moi! Ne mangez et ne buvez rien pendant trois jours, ni la nuit ni le jour. Moi aussi, je respecterai un tel jeûne avec mes servantes, et c’est dans ces dispositions que je pénétrerai chez le roi: j’enfreindrai la loi et, si je dois mourir, je mourrai.»

17 Mardochée s'en alla faire tout ce qu'Esther lui avait ordonné.

Démarche d’Esther auprès du roi

Trois jours plus tard, Esther mit sa tenue royale et se tint debout dans la cour intérieure du palais, devant les appartements du roi. Celui-ci était assis sur son trône royal dans le palais royal, face à l'entrée du bâtiment. Lorsqu’il vit la reine Esther debout dans la cour, elle gagna sa faveur et il lui tendit le sceptre en or qu'il tenait. Esther s'approcha et toucha le bout du sceptre. Le roi lui dit: «Qu'as-tu, reine Esther, et que désires-tu? Même si tu réclames la moitié du royaume, elle te sera donnée.» Esther répondit: «Si tu le juges bon, roi, j’aimerais que tu viennes aujourd'hui avec Haman au banquet que j’ai organisé pour toi.»

Le roi dit alors: «Allez sans tarder chercher Haman pour répondre à l’invitation d’Esther», et il se rendit avec Haman au banquet que celle-ci avait préparé. Pendant qu'on buvait le vin, le roi dit à Esther: «Quel est l’objet de ta demande? Il te sera accordé. Que désires-tu? Même si tu réclames la moitié du royaume, tu l'obtiendras.» Esther répondit: «Ce que je demande et ce que je désire? Si j'ai trouvé grâce à tes yeux et si tu juges bon de m'accorder l’objet de ma demande et de satisfaire mon désir, j’aimerais que tu viennes avec Haman au festin que j’organiserai pour vous, et c’est demain que je répondrai à ta proposition.»

Hostilité d’Haman envers Mardochée

Ce jour-là, Haman repartit content, dans de joyeuses dispositions. Mais lorsqu'il vit que Mardochée, toujours à la porte du roi, ne se levait toujours pas et ne tremblait toujours pas devant lui, il fut rempli de colère contre lui. 10 Il parvint néanmoins à se contenir et rentra chez lui. Puis il envoya chercher ses amis et sa femme Zéresh, 11 et il leur exposa point par point la valeur de ses richesses, le grand nombre de ses fils, toute l’importance et tout le pouvoir que le roi lui avait accordés en le plaçant au-dessus de tous les princes et de ses propres serviteurs. 12 Il ajouta: «Je suis même le seul que la reine Esther ait admis avec le roi au banquet qu'elle a organisé et je suis encore invité pour demain chez elle en compagnie du roi. 13 Cependant, tout cela n’a aucune valeur pour moi aussi longtemps que je verrai Mardochée, le Juif, assis à la porte du roi.» 14 Sa femme Zéresh et tous ses amis lui suggérèrent alors: «Fais préparer une potence de 25 mètres de haut et demain matin demande au roi qu'on y pende Mardochée. Tu pourras ensuite accompagner dans la joie le roi au banquet.» Haman trouva le conseil bon et fit préparer la potence.

Cette nuit-là, le roi ne parvint pas à trouver le sommeil. Il se fit donc apporter le registre des événements marquants, les annales, et l’on en fit la lecture devant lui. On y trouva mentionnées les révélations faites par Mardochée à propos de Bigthan et de Théresh, les deux eunuques du roi qui avaient la garde de l’entrée et qui avaient voulu porter la main contre le roi Assuérus. Le roi demanda: «Quelle marque d'honneur et de grandeur a-t-on accordée à Mardochée pour cela?» «On ne lui a absolument rien accordé», répondirent les jeunes serviteurs du roi. Le roi demanda alors: «Qui donc est dans la cour?» – Haman avait fait son apparition dans la cour extérieure du palais pour demander au roi de faire pendre Mardochée à la potence qu'il avait préparée à son intention. – Les serviteurs du roi lui répondirent: «C'est Haman qui se tient dans la cour.» «Qu’il entre!» ordonna le roi.

Dès qu’Haman fut entré, le roi lui demanda: «Comment faut-il traiter un homme que le roi veut honorer?» Haman se dit: «Qui d’autre, à part moi, le roi voudrait-il honorer?» et il lui répondit: «Si le roi veut honorer un homme, il faut prendre un vêtement royal que le roi a déjà porté, ainsi qu’un cheval que le roi a déjà monté et sur la tête duquel on ait posé une couronne royale. Il faut confier le vêtement et le cheval à l'un des plus illustres princes du roi, mettre cette tenue à l'homme que le roi veut honorer, le conduire, monté sur le cheval, sur la place de la ville et crier devant lui: ‘Voici comment l'on agit pour l'homme que le roi veut honorer!’»

10 Le roi dit à Haman: «Dépêche-toi de prendre le vêtement et le cheval, comme tu l'as dit, et fais tout cela pour le Juif Mardochée qui est assis à la porte du roi, sans rien négliger de tout ce que tu as mentionné!» 11 Haman prit donc le vêtement et le cheval, mit cette tenue à Mardochée et le conduisit, monté sur le cheval, sur la place de la ville en criant devant lui: «Voici comment l'on agit pour l'homme que le roi veut honorer!»

12 Mardochée retourna ensuite à la porte du roi, tandis qu’Haman s’empressait de rentrer chez lui, dans une attitude de deuil et la tête couverte. 13 Lorsqu’il exposa point par point à sa femme Zéresh et à tous ses amis tout ce qui lui était arrivé, ses conseillers et sa femme Zéresh lui dirent: «Si ce Mardochée devant lequel tu as entamé ta déchéance est un Juif, tu ne pourras rien faire contre lui: tu ne pourras que perdre la partie contre lui.» 14 Ils parlaient encore avec lui quand les eunuques du roi arrivèrent. Ils s’empressèrent de conduire Haman au banquet qu'Esther avait préparé.

Plaidoyer d’Esther

Le roi et Haman se rendirent au banquet donné chez la reine Esther. Ce second jour de nouveau, le roi dit à Esther, pendant qu'on buvait le vin: «Quel est l’objet de ta demande? Il te sera accordé. Que désires-tu? Même si tu réclames la moitié du royaume, tu l'obtiendras.» La reine Esther répondit: «Si j'ai trouvé grâce à tes yeux, roi, et si tu le juges bon, accorde-moi la vie sauve, voilà ma demande, et sauve mon peuple, voilà mon désir! En effet, nous avons été vendus, mon peuple et moi, pour être exterminés, massacrés, supprimés. Si encore nous avions été vendus pour devenir des esclaves et des servantes, j’aurais gardé le silence, mais l'adversaire ne saurait compenser le préjudice ainsi causé au roi.»

Prenant la parole, le roi Assuérus demanda à la reine Esther: «Qui est-il et où est-il, celui qui a projeté d'agir de cette manière?» Esther répondit: «L’homme qui est notre adversaire, notre ennemi, c'est Haman, le misérable que voici!» Haman trembla de terreur devant le roi et la reine.

Dans sa colère, le roi se leva et quitta le banquet pour aller dans le jardin du palais. Quant à Haman, il resta là pour demander la vie sauve à la reine Esther, car il voyait bien que sa perte était décidée dans l'esprit du roi. A son retour du jardin du palais, en pénétrant dans la salle de banquet le roi le trouva affalé contre le siège occupé par Esther, et il dit: «Ira-t-il jusqu’à violer la reine en ma présence, dans le palais?» Dès que cette parole fut sortie de la bouche du roi, on recouvrit le visage d'Haman. Harbona, l'un des eunuques, dit alors devant le roi: «Il y a une potence préparée par Haman à l’intention de Mardochée, celui qui avait parlé pour le bien du roi. Elle est dressée dans la maison d'Haman et fait 25 mètres de haut.» Le roi ordonna: «Pendez-y donc Haman!» 10 Ainsi, on pendit Haman à la potence qu'il avait préparée pour Mardochée, et la colère du roi s'apaisa.

Edit en faveur des Juifs

Le jour même, le roi Assuérus donna la propriété d'Haman, l'adversaire des Juifs, à la reine Esther et Mardochée eut à se présenter devant lui, car elle avait révélé ce qu’il était pour elle. Le roi retira son anneau, celui qu'il avait repris à Haman, et le donna à Mardochée. Esther, de son côté, le désigna responsable de la propriété d'Haman.

Puis Esther poursuivit son plaidoyer devant le roi. Elle se jeta à ses pieds en pleurant et en le suppliant de faire échec à la méchanceté d'Haman, l'Agaguite, et à ses projets contre les Juifs. Le roi lui tendit le sceptre en or. Elle se releva alors et c’est debout devant lui qu’elle lui dit: «Si tu le juges bon, roi, et si j'ai trouvé grâce devant toi, si cela te paraît convenable et si je te suis agréable, il faudrait qu'on écrive pour révoquer les lettres conçues par Haman, fils d'Hammedatha, l'Agaguite. Il les avait rédigées dans le but de faire disparaître les Juifs qui se trouvent dans toutes les provinces du roi. Comment pourrais-je supporter d’assister au malheur qui frapperait mon peuple, à la disparition de ma famille?»

Le roi Assuérus dit à la reine Esther et au Juif Mardochée: «J'ai déjà donné la propriété d'Haman à Esther et lui-même a été pendu à une potence pour avoir tenté de porter la main contre les Juifs. Ecrivez donc ce que vous voudrez concernant les Juifs! Faites-le au nom du roi et apposez l’empreinte royale sur vos lettres! En effet, un document écrit au nom du roi et porteur de l’empreinte royale ne peut être révoqué.»

On convoqua alors les secrétaires du roi, le vingt-troisième jour du troisième mois, c’est-à-dire le mois de Sivan, et l'on écrivit un message en tout point conforme aux ordres de Mardochée et adressé aux Juifs, aux satrapes, aux gouverneurs et aux chefs des 127 provinces qui couvraient un territoire allant de l'Inde à l'Ethiopie, à chaque province dans son écriture et à chaque peuple dans sa langue, y compris aux Juifs dans leur écriture et dans leur langue. 10 On écrivit ce message au nom du roi Assuérus et l'on y apposa l’empreinte du roi. On envoya les lettres par l’intermédiaire de coursiers à cheval qui montaient des attelages royaux, des pur-sang. 11 Le roi y autorisait les Juifs, quelle que soit la ville qu'ils habitent, à se rassembler et à défendre leur vie en exterminant, massacrant et supprimant tous les groupes armés d’un peuple ou d’une province qui les attaqueraient, y compris les petits enfants et les femmes, et à procéder au pillage de leurs biens. 12 Cette autorisation concernait toutes les provinces du roi Assuérus mais était valable un seul jour: le treizième du douzième mois, c’est-à-dire le mois d'Adar. 13 Une copie du document devait être donnée avec force de loi à chaque province et être communiquée à tous les peuples afin que les Juifs soient prêts pour ce jour-là, pour la vengeance contre leurs ennemis. 14 Montés sur les attelages royaux, les coursiers partirent sans aucun retard, sur ordre du roi. L'édit fut aussi proclamé à Suse, la capitale.

15 Mardochée sortit de chez le roi porteur d’un vêtement royal bleu et blanc, d’une grande couronne en or et d’un manteau en fin lin et en pourpre, au milieu des cris de joie et d’allégresse de la ville de Suse. 16 Les Juifs étaient rayonnants de joie, remplis d’allégresse et comblés de marques d’honneur. 17 Dans chaque province et dans chaque ville, partout où arrivait le message du roi, qui avait valeur de loi, les Juifs s’adonnaient à la joie et à l'allégresse, avec banquets et fêtes. De plus, beaucoup de membres des autres peuples du pays se faisaient juifs, tant ils avaient peur d’eux.

Le treizième jour du douzième mois, c’est-à-dire le mois d'Adar, le jour où le message du roi, qui avait valeur de loi, aurait dû entrer en vigueur, le jour où les ennemis des Juifs avaient espéré dominer sur eux, ce fut le contraire qui arriva: ce fut au tour des Juifs de dominer ceux qui les détestaient. Ils se rassemblèrent dans leurs villes respectives, dans toutes les provinces du roi Assuérus, pour porter la main contre ceux qui leur voulaient du mal. Personne ne leur opposa de résistance, tant les autres peuples avaient peur d’eux. De plus, tous les chefs de province, les satrapes, les gouverneurs et les fonctionnaires du roi soutenaient les Juifs, tant ils avaient peur de Mardochée. En effet, celui-ci jouait un rôle important au palais et sa réputation atteignait toutes les provinces car il exerçait une influence grandissante.

Les Juifs frappèrent tous leurs ennemis à coups d'épée, les tuant et les faisant disparaître. Ils traitèrent selon leur bon plaisir ceux qui les détestaient. A Suse, la capitale, ils tuèrent et firent disparaître 500 hommes, sans compter Parshandatha, Dalphon, Aspatha, Poratha, Adalia, Aridatha, Parmashtha, Arizaï, Aridaï et Vajezatha, 10 les dix fils d'Haman, fils d'Hammedatha, l'adversaire des Juifs. En revanche, ils ne se livrèrent à aucun pillage.

11 Le jour même, le nombre de personnes tuées à Suse, la capitale, fut communiqué au roi, 12 et celui-ci dit à la reine Esther: «A Suse, la capitale, les Juifs ont tué et fait disparaître 500 hommes, sans compter les dix fils d'Haman. Qu'auront-ils fait dans le reste de mes provinces? Cependant, quel est l’objet de ta demande? Il te sera accordé. Que désires-tu encore? Tu l'obtiendras.» 13 Esther répondit: «Si tu le juges bon, il faudrait autoriser les Juifs de Suse à agir demain encore conformément à la loi en vigueur aujourd'hui et pendre le corps des dix fils d'Haman à une potence.» 14 Le roi ordonna d’agir de cette manière.

Cet édit fut donc proclamé à Suse et l’on pendit le corps des dix fils d'Haman; 15 de plus, les Juifs de Suse se rassemblèrent de nouveau le quatorzième jour du mois d'Adar et tuèrent 300 hommes à Suse. En revanche, ils ne se livrèrent à aucun pillage. 16 Quant au reste des Juifs, ceux qui se trouvaient dans les autres provinces du roi, ils se rassemblèrent pour défendre leur vie et obtenir le repos vis-à-vis de leurs ennemis. Ils tuèrent 75'000 personnes parmi ceux qui les détestaient. En revanche, ils ne se livrèrent à aucun pillage. 17 Ils firent cela le treizième jour du mois d'Adar et se reposèrent le quatorzième, et ils en firent un jour réservé aux banquets et à la joie. 18 De leur côté, les Juifs de Suse s'étaient rassemblés les treizième et quatorzième jours et se reposèrent le quinzième; c’est donc ce jour-là qu’ils réservèrent aux banquets et à la joie. 19 Voilà pourquoi pour les Juifs de la campagne, ceux qui habitent des villes dépourvues de murailles, c’est le quatorzième jour du mois d'Adar qui est un jour réservé à la joie, aux banquets et à la fête, où l'on s'envoie des cadeaux les uns aux autres.

Conséquences de la délivrance 9.20–10.3

Institution de la fête des Pourim

20 Mardochée enregistra ces événements par écrit et envoya des lettres à tous les Juifs installés dans toutes les provinces du roi Assuérus, qu’ils soient près ou loin. 21 Il leur prescrivait de célébrer chaque année les quatorzième et quinzième jours du mois d'Adar. 22 En effet, c’étaient les jours où les Juifs avaient obtenu le repos vis-à-vis de leurs ennemis, le mois où leur tristesse avait été transformée en joie et leur deuil en fête. Ils devaient donc faire de ces jours des jours réservés aux banquets et à la joie, où l'on s'envoie des cadeaux les uns aux autres et où l'on fait des offrandes aux pauvres. 23 Les Juifs s'engagèrent à poursuivre ce qu'ils avaient déjà commencé de faire et ce que Mardochée leur avait prescrit.

24 En effet, Haman, fils d'Hammedatha, l'Agaguite qui était l’adversaire de tous les Juifs, avait projeté de les faire disparaître et il avait jeté le «pour», c'est-à-dire le sort, en vue de semer le trouble parmi eux et de les faire disparaître. 25 Cependant, Esther s'était présentée devant le roi, et celui-ci avait ordonné par écrit de faire retomber sur la tête d'Haman le funeste projet qu'il avait formé contre les Juifs et de le pendre à une potence, ainsi que ses fils. 26 Voilà pourquoi on appela ces jours Pourim, d’après le mot «pour». Voilà pourquoi aussi, en s’appuyant sur toutes les instructions de cette lettre, sur ce qu'ils avaient eux-mêmes vu et sur ce qui leur était arrivé, 27 les Juifs prirent l'engagement irrévocable pour eux, pour leur descendance et pour tous ceux qui se joindraient à eux, de célébrer ces deux jours en respectant ce qui était prescrit et la date fixée, et ce chaque année, 28 de garder le souvenir de ces jours et les célébrer de génération en génération dans chaque famille, dans chaque province et dans chaque ville, et de ne jamais laisser ces jours de Pourim disparaître du milieu des Juifs ni leur souvenir s'effacer parmi leurs descendants.

29 La reine Esther, fille d'Abichaïl, et le Juif Mardochée écrivirent une seconde fois, avec toute l’autorité qui était la leur, pour confirmer la lettre relative aux Pourim. 30 On envoya des lettres à tous les Juifs, dans les 127 provinces du roi Assuérus. Porteuses d’un message de paix et de vérité, 31 elles confirmaient la date fixée pour les jours de Pourim par le Juif Mardochée et la reine Esther, mais aussi par les Juifs eux-mêmes, pour eux et leur descendance et contenaient les instructions relatives aux jeûnes et aux cris qui les accompagnaient. 32 Ainsi, l'ordre d'Esther confirma ces instructions relatives aux Pourim et il fut enregistré par écrit dans un livre.

Rôle de Mardochée

10 Le roi Assuérus soumit à la corvée aussi bien la partie continentale du pays que les îles. Tout ce qu’il a accompli par sa puissance et sa force, ainsi que les détails sur le rôle important qu’il a accordé à Mardochée, cela est décrit dans les annales des rois des Mèdes et des Perses. En effet, le Juif Mardochée était l’adjoint du roi Assuérus. Il jouait un rôle important pour les Juifs et était très apprécié de ses nombreux frères. Il recherchait le bonheur de son peuple et contribua par ses paroles au bien-être de toute sa lignée.

Footnotes

  1. Esther 3:10 L’anneau: cet anneau portait le sceau, le cachet, dont l’empreinte permettait d’authentifier une décision comme étant la sienne.

Le banquet de l’empereur

Cette histoire se passait du temps de Xerxès[a], celui dont l’empire s’étendait depuis l’Inde jusqu’à l’Ethiopie et comprenait cent vingt-sept districts[b]. En ce temps-là, quand l’empereur Xerxès vint prendre place sur son trône impérial[c] dans la citadelle de Suse[d], la troisième année de son règne, il organisa un grand festin pour tous ses ministres, ses hauts fonctionnaires, les officiers de l’armée des Perses et des Mèdes, ainsi que pour les nobles et les gouverneurs des provinces. Il voulait montrer devant eux la richesse et la gloire de son règne et la splendeur de sa grande magnificence. Les festivités durèrent très longtemps ; cent quatre-vingts jours.

A la fin de cette période, l’empereur offrit à toute la population de Suse, riches ou pauvres, un banquet qui eut lieu pendant sept jours dans les jardins du palais impérial. Des tentures de lin blanches et bleu ciel étaient fixées à des colonnes de marbre par des cordelières blanches et pourpres passées dans des anneaux d’argent. Des divans[e] d’or et d’argent étaient disposés sur des dallages de mosaïques faits avec du porphyre, du marbre, de la nacre et de l’agathe. On servait des boissons dans des coupes d’or, toutes différentes de formes ; le vin de l’empereur coulait avec une générosité tout impériale. Il avait été ordonné que chacun puisse boire à volonté sans aucune contrainte, car l’empereur avait donné des instructions à tous les intendants du palais pour qu’ils satisfassent les désirs de chacun de ses hôtes. L’impératrice Vasthi organisa de son côté un banquet pour les femmes dans le palais de l’empereur Xerxès.

La désobéissance de l’impératrice Vasthi et sa disgrâce

10 Le septième jour du banquet, comme l’empereur était égayé par le vin, il ordonna aux sept eunuques spécialement attachés à son service : Mehoumân, Biztha, Harbona, Bigtha, Abagtha, Zéthar et Karkas, 11 de faire venir l’impératrice Vasthi en sa présence, couronnée du diadème impérial. Il voulait montrer aux hommes de tous les peuples rassemblés et aux ministres combien elle était belle, car elle était effectivement d’une beauté remarquable. 12 Les eunuques transmirent à l’impératrice Vasthi l’ordre de l’empereur, mais elle refusa d’aller se présenter devant lui. Celui-ci en fut vivement irrité et se mit dans une violente colère. 13 Puis il consulta les conseillers connaissant les usages, car les affaires impériales étaient toujours discutées avec tous les experts légaux et juridiques. 14 Ses plus proches conseillers étaient Karshena, Shétar, Admata, Tarsis, Mérès, Marsena, Memoukân, les sept ministres des Perses et des Mèdes ; ils faisaient partie du conseil impérial et occupaient les postes les plus élevés dans l’empire. 15 L’empereur leur demanda comment la loi requérait que l’on traite l’impératrice Vasthi pour n’avoir pas obéi à l’ordre de l’empereur Xerxès que les eunuques lui avaient transmis.

16 Memoukân déclara à l’empereur en présence de ses hauts fonctionnaires : L’impératrice Vasthi ne s’est pas seulement rendue coupable envers l’empereur, mais aussi envers tous ses ministres et tous les gens du peuple de toutes les provinces de l’empire de Xerxès. 17 Car ce qu’elle a fait sera connu de toutes les femmes et les incitera à mépriser l’autorité de leurs maris. Elles pourront dire : « L’empereur Xerxès avait ordonné de faire venir l’impératrice Vasthi en sa présence, et elle n’est pas venue. » 18 Aujourd’hui même, les femmes des ministres perses et mèdes apprendront comment l’impératrice s’est conduite et elles se permettront de répliquer sur le même ton à leurs maris, ministres de l’empereur, et leur mépris entraînera la colère de leurs maris. 19 Si donc tel est le bon plaisir de l’empereur, qu’il fasse promulguer une ordonnance impériale irrévocable, consignée dans les lois de Perse et de Médie, interdisant pour toujours à Vasthi de se présenter devant l’empereur Xerxès, et stipulant que l’empereur conférera le titre d’impératrice à l’une de ses semblables plus digne qu’elle. 20 Lorsque ce décret, publié par l’empereur dans tout son vaste empire, sera connu partout, toutes les femmes témoigneront du respect à leurs maris, quelle que soit leur condition sociale.

21 Cette déclaration plut à l’empereur et aux ministres, et l’empereur suivit le conseil de Memoukân. 22 Il expédia des lettres dans toutes les provinces de l’empire, rédigées pour chaque province selon son système d’écriture et dans la langue de sa population, ordonnant que tout homme soit maître en sa maison et y impose l’usage de sa langue maternelle[f].

Le choix d’une nouvelle impératrice

Au bout d’un certain temps, la colère de l’empereur Xerxès se calma. Il repensa à ce qu’avait fait Vasthi, et il réfléchit à la décision qui avait été prise à son sujet. Alors les courtisans attachés à son service lui dirent : Que l’on recherche pour l’empereur des jeunes filles vierges et belles. Que l’empereur désigne donc des fonctionnaires chargés de sélectionner dans toutes les provinces de son empire toutes les jeunes filles vierges et belles et de les amener dans le harem de la citadelle de Suse pour les confier à Hégué, l’eunuque de l’empereur qui a la garde des femmes. On leur fournira tous les produits de beauté nécessaires. La jeune fille qui aura la préférence de l’empereur succédera comme impératrice à Vasthi.

Cette proposition plut à l’empereur qui la fit mettre à exécution.

Or, dans la citadelle de Suse, vivait un Juif nommé Mardochée[g]. Il était fils de Yaïr, et descendant de Shimeï et de Qish de la tribu de Benjamin. Sa famille[h] avait été déportée de Jérusalem avec les autres exilés emmenés par Nabuchodonosor, roi de Babylone, en même temps que Yekonia[i], roi de Juda. Mardochée avait élevé sa cousine Hadassa – c’est-à-dire Esther[j] – orpheline de père et de mère. Cette jeune fille était bien faite et d’une grande beauté. A la mort de ses parents, Mardochée l’avait adoptée comme sa fille.

Esther au palais impérial

Après la proclamation de l’ordonnance de l’empereur et de son décret, de nombreuses jeunes filles furent rassemblées dans la citadelle de Suse, sous la surveillance de Hégué. Esther fut aussi emmenée au palais impérial et confiée aux soins de Hégué, le responsable du harem. La jeune fille lui plut et gagna sa faveur. Il se mit en peine de lui fournir tout ce qu’il fallait en produits de beauté et pour son régime. Il mit à sa disposition sept jeunes servantes, sélectionnées parmi le personnel du palais impérial, et il la transféra, elle et ses servantes, dans le meilleur appartement du harem. 10 Esther n’avait révélé ni son peuple ni sa famille d’origine, car Mardochée le lui avait interdit. 11 Chaque jour, il se rendait devant la cour du harem pour prendre des nouvelles d’Esther et savoir comment on la traitait.

12 Les jeunes filles se rendaient chacune à son tour chez l’empereur Xerxès, au terme du traitement de beauté prescrit pour douze mois par le protocole des femmes. Pour ce traitement, on utilisait pendant six mois de l’huile de myrrhe, et pendant six autres mois des baumes aromatiques et divers produits de beauté employés par les femmes. 13 Puis, lorsque venait le tour d’une jeune fille de se rendre chez l’empereur, on lui donnait tout ce qu’elle demandait pour emporter du harem au palais impérial. 14 Elle s’y rendait le soir, et le lendemain matin, elle était conduite dans un second harem et confiée à la responsabilité de Shashgaz, l’eunuque de l’empereur chargé de la garde des épouses de second rang. Elle ne retournait plus chez l’empereur, à moins que celui-ci en manifeste le désir et la fasse appeler par son nom.

Esther, nouvelle impératrice

15 Quand vint son tour d’aller chez l’empereur, Esther, fille d’Abichaïl, oncle de Mardochée, qui l’avait adoptée comme sa fille, elle ne demanda rien d’autre que ce qu’avait indiqué Hégué, l’eunuque de l’empereur, gardien des femmes. Elle gagnait la faveur de tous ceux qui la voyaient. 16 C’est le dixième mois, c’est-à-dire au mois de Tébeth de la septième année du règne[k], que l’on vint prendre Esther pour l’emmener chez l’empereur au palais impérial. 17 L’empereur aima Esther plus que toutes les autres femmes et elle gagna sa faveur et sa bienveillance mieux que toutes les autres jeunes filles. Alors il mit sur sa tête la couronne impériale et la fit proclamer impératrice à la place de Vasthi. 18 En son honneur, il organisa un grand banquet pour tous ses ministres et ses hauts fonctionnaires. Ce fut le « banquet d’Esther ». Il accorda aux provinces des allègements d’impôts et distribua des cadeaux avec une générosité impériale.

Mardochée sauve la vie de l’empereur

19 Lorsque avait eu lieu le second ramassage de jeunes filles, Mardochée avait un poste au palais impérial. 20 Esther avait tenu secrète son origine familiale et sa nationalité, comme le lui avait ordonné Mardochée. Elle continuait à se conformer à ses instructions comme au temps où elle était encore sous sa tutelle.

21 A cette époque, alors que Mardochée exerçait donc des fonctions au palais impérial, deux eunuques de l’empereur, Bigtân et Téresh, qui faisaient partie de la garde postée à l’entrée du palais, furent exaspérés par l’empereur Xerxès et cherchèrent à l’assassiner. 22 Mardochée en eut connaissance et il en avertit l’impératrice Esther qui mit l’empereur au courant de la part de Mardochée. 23 Après enquête, l’information se révéla exacte. Les deux coupables furent pendus à une potence et l’affaire fut consignée dans le livre des Annales[l] en présence de l’empereur.

Mardochée met Haman en colère

Quelque temps après ces événements, l’empereur Xerxès éleva en dignité Haman, fils de Hammedata du pays d’Agag : il le promut au rang de premier ministre et lui donna ainsi la prééminence sur tous les ministres de son gouvernement. Par ordre de l’empereur, tous les fonctionnaires impériaux en poste au palais devaient s’agenouiller et se prosterner sur son passage. Mais Mardochée ne s’agenouillait pas et ne se prosternait pas devant lui. Ses collègues lui demandèrent : Pourquoi désobéis-tu à l’ordre de l’empereur ?

Tous les jours, ils lui disaient cela, mais Mardochée ne les écoutait pas.

Finalement, ils signalèrent la chose à Haman pour voir si Mardochée s’en tiendrait à ses paroles, car il leur avait dit qu’il était Juif. Quand Haman eut constaté que Mardochée ne s’agenouillait pas et ne se prosternait pas devant lui, il devint furieux. On lui avait appris à quel peuple Mardochée appartenait, et il jugea trop insuffisant de porter la main sur Mardochée seulement. Il résolut donc d’exterminer tous les Juifs, compatriotes de Mardochée, qui se trouvaient dans tout l’empire de Xerxès. Le premier mois, c’est-à-dire le mois de Nisân de la douzième année du règne de Xerxès[m], Haman fit tirer au sort – ce qui se dit « Pour » – en passant en revue un jour après l’autre et un mois après l’autre. Le sort tomba sur le douzième mois qui est le mois d’Adar[n].

Haman veut exterminer les Juifs

Puis Haman alla dire à l’empereur Xerxès : Il y a, répandu parmi les peuples dans toutes les provinces de ton empire, un peuple qui est inassimilable. Leurs lois sont différentes de celles de tous les autres peuples, et ils n’obéissent pas aux lois impériales. L’empereur n’a aucun intérêt à les laisser en paix. Si l’empereur le veut bien, que l’on rédige un édit ordonnant leur extermination et je pèserai dix mille pièces d’argent que je remettrai aux fonctionnaires impériaux pour qu’ils les versent dans les caisses de l’empereur.

10 Alors l’empereur ôta son anneau du doigt et le remit à Haman, fils de Hammedata d’Agag, l’ennemi des Juifs[o]. 11 Puis l’empereur dit à Haman : Je te laisse l’argent et je te livre ce peuple. Fais-en ce que tu voudras.

12 Le treizième jour du premier mois[p], on convoqua les secrétaires impériaux et, sur l’ordre de Haman, ils écrivirent aux satrapes de l’empereur[q], aux gouverneurs de chaque district et aux ministres de chaque peuple. Les documents furent rédigés selon le système d’écriture des différentes provinces et dans la langue de chaque peuple. Les messages furent écrits au nom de l’empereur Xerxès et scellés du sceau impérial. 13 Les lettres furent portées par les coureurs dans toutes les provinces de l’empire, pour ordonner de massacrer, de tuer et d’exterminer les Juifs, jeunes et vieux, enfants et femmes, en un seul jour, à savoir le treizième jour du douzième mois, qui est le mois d’Adar, et de piller leurs biens. 14 Le texte de l’édit devait être promulgué comme loi dans chaque province et porté à la connaissance de tous les peuples pour que chacun se tienne prêt pour le jour fixé.

15 Les coureurs partirent en hâte, par ordre de l’empereur. Le décret fut aussi publié dans la citadelle de Suse. L’empereur et Haman s’installèrent pour boire tandis que dans la ville de Suse régnait la consternation.

Mardochée demande à Esther d’intervenir

Lorsque Mardochée apprit tout ce qui s’était passé, il déchira ses vêtements, se couvrit d’un habit de toile de sac et répandit de la cendre sur lui. C’est ainsi qu’il parcourut la ville en poussant de grands cris de douleur. Puis il alla jusque devant la porte du palais impérial, par laquelle personne n’avait le droit d’entrer revêtu d’un habit de toile de sac.

Dans chaque province, à mesure qu’y parvenaient l’ordonnance et le décret de l’empereur, c’était comme un deuil qui frappait les Juifs ; ils se mettaient à jeûner, à pleurer et à pousser des cris : beaucoup se couchaient sur des toiles de sac et de la cendre[r].

Les servantes d’Esther et ses eunuques vinrent la mettre au courant, et l’impératrice en fut toute bouleversée. Elle envoya des vêtements à Mardochée, pour qu’il s’habille correctement et enlève l’habit de toile de sac qu’il portait. Mais il les refusa. Alors Esther appela Hathac, l’un des eunuques que l’empereur avait mis à son service, et le chargea de s’enquérir auprès de Mardochée de ce qui se passait et qui le poussait à agir ainsi. Hathac alla trouver Mardochée qui se tenait toujours sur la place publique, devant la porte du palais impérial. Mardochée l’informa de tout ce qui lui était arrivé et il lui dit notamment quelle quantité d’argent Haman avait promis de verser dans les coffres de l’empereur pour que l’on fasse périr tous les Juifs. Il lui remit aussi une copie du texte de l’édit d’extermination qui avait été publié dans Suse pour qu’il la montre à Esther, l’informe de la situation et lui communique l’ordre de se rendre chez l’empereur afin d’implorer sa pitié et de le supplier en faveur de son peuple.

Hathac revint et rapporta à Esther les paroles de Mardochée. 10 Celle-ci ordonna à Hathac de rapporter sa réponse à Mardochée : 11 Tous les serviteurs de l’empereur ainsi que les habitants de toutes les provinces de l’empire savent bien qu’il y a une loi, qui est la même pour tous, en vertu de laquelle tout homme ou toute femme qui pénétrerait dans la cour intérieure du palais pour se rendre auprès de l’empereur sans avoir été convoqué par lui, sera mis à mort, sauf si l’empereur lui tend son sceptre d’or. Alors seulement sa vie lui sera épargnée. Quant à moi, voilà trente jours que je n’ai plus été invitée à me rendre chez l’empereur.

12 Lorsqu’on eut rapporté à Mardochée les paroles d’Esther, 13 il lui fit répondre : Ne t’imagine pas qu’étant dans le palais impérial, tu seras épargnée à la différence de tous les autres Juifs ! 14 Bien au contraire ! Car si tu persistes à garder le silence dans les circonstances présentes, le salut et la délivrance viendront d’ailleurs pour les Juifs[s], alors que toi et ta famille, vous périrez. D’ailleurs, qui sait si ce n’est pas en vue de telles circonstances que tu es devenue impératrice ?

15 Alors Esther fit porter cette réponse à Mardochée : 16 Va rassembler tous les Juifs qui se trouvent à Suse. Jeûnez pour moi, sans manger ni boire pendant trois jours et trois nuits. J’observerai de mon côté le même jeûne avec mes servantes. Ensuite, je me rendrai chez l’empereur, malgré la loi. Si je dois mourir, je mourrai !

17 Mardochée partit et fit ce qu’Esther lui avait commandé.

Esther invite l’empereur et Haman à un festin

Au bout du troisième jour de jeûne, Esther revêtit ses habits royaux et se tint dans la cour intérieure du palais impérial, en face des appartements de l’empereur. Celui-ci siégeait sur son trône dans le palais, en face de l’entrée de l’édifice. Quand il aperçut l’impératrice Esther, qui se tenait dans la cour, il lui accorda sa faveur. Il lui tendit le sceptre d’or qu’il tenait en main. Esther s’approcha et en toucha l’extrémité. Alors il lui demanda : Qu’y a-t-il, impératrice Esther ? Quelle est ta requête ? Elle te sera accordée, même si c’est la moitié de l’empire.

Esther lui répondit : Si l’empereur le veut bien, qu’il vienne ce soir avec Haman au festin que j’ai préparé en son honneur.

L’empereur dit : Dépêchez-vous de prévenir Haman pour que nous nous rendions à l’invitation d’Esther.

L’empereur et Haman vinrent au festin qu’Esther avait préparé. Pendant que l’on buvait le vin, l’empereur dit à Esther : Quelle est donc ta requête, elle te sera accordée. Quelle est ta demande ? Même si c’est la moitié de l’empire, tu l’obtiendras.

Esther répondit : Ma requête, ma demande, la voici : si l’empereur veut m’accorder sa faveur, et s’il veut bien accéder à ma requête et répondre à ma demande, que l’empereur vienne avec Haman au festin que je leur prépare demain. C’est alors que je répondrai à la question de l’empereur.

Haman fait dresser une potence pour Mardochée

Haman s’en retourna ce jour-là, joyeux et le cœur en fête. En passant devant la porte du palais impérial, il aperçut Mardochée. Celui-ci ne se leva pas et ne tremblait pas devant lui. Alors Haman fut rempli de fureur contre lui. 10 Néanmoins, il se domina et rentra chez lui. Là, il fit venir ses amis et sa femme Zéresh. 11 Il leur décrivit longuement ses richesses prestigieuses, leur parla de ses nombreux fils[t] et de tous les honneurs dont l’empereur l’avait comblé en l’élevant à un rang supérieur aux ministres et à tous les hauts fonctionnaires impériaux.

12 – Et même, ajouta-t-il, l’impératrice Esther n’a invité personne d’autre que moi avec l’empereur au festin qu’elle a préparé. Et demain, c’est encore moi qui suis invité avec l’empereur. 13 Mais tout cela ne compte pour rien à mes yeux, aussi longtemps que je verrai ce Juif Mardochée assis à la porte du palais impérial.

14 Sa femme Zéresh et tous ses amis lui dirent : Il n’y a qu’à faire dresser une potence haute de vingt-cinq mètres, et demain matin, tu parleras à l’empereur pour qu’on y pende Mardochée. Puis tu pourras aller gaiement au festin en compagnie de l’empereur.

Cette proposition plut à Haman, et il fit faire la potence.

Mardochée honoré par l’empereur

Cette nuit-là, comme l’empereur n’arrivait pas à trouver le sommeil, il se fit apporter le livre des Annales[u] relatant les événements passés et l’on en fit la lecture devant lui. On tomba sur le passage racontant comment Mardochée avait prévenu que Bigtân et Téresh, deux eunuques de l’empereur qui faisaient partie de la garde postée à l’entrée du palais, complotaient de porter la main sur l’empereur Xerxès.

L’empereur demanda : De quelle manière a-t-on honoré Mardochée et quelle distinction lui a-t-on accordée pour cela ?

Les serviteurs qui étaient en fonction auprès de lui répondirent : On n’a rien fait pour lui.

L’empereur demanda alors : Qui est dans la cour ?

C’était justement Haman qui entrait dans la cour extérieure du palais impérial, pour demander à l’empereur que l’on pende Mardochée à la potence qu’il avait fait préparer pour lui. Les serviteurs dirent à l’empereur : C’est Haman qui se tient dans la cour.

– Qu’il entre ! ordonna l’empereur.

Haman entra et l’empereur lui demanda : Que faut-il faire pour un homme que l’empereur désire honorer ?

En son for intérieur, Haman se dit : Quel homme l’empereur peut-il désirer honorer, sinon moi ?

Il répondit donc à l’empereur : Pour un homme que l’empereur désire honorer, que l’on apporte un manteau de l’empereur que l’empereur a déjà porté, que l’on amène un des chevaux que l’empereur a montés, et que l’on pose sur la tête du cheval un diadème impérial[v]. Que l’on confie le manteau ainsi que le cheval à l’un des ministres de l’empereur, l’un des hauts dignitaires, et qu’on revête du manteau l’homme que l’empereur désire honorer, puis qu’on le fasse monter sur le cheval et qu’on le conduise ainsi sur la place de la ville en proclamant devant lui : « Voilà ce que l’empereur fait pour l’homme qu’il désire honorer ! »

10 Alors l’empereur dit à Haman : Dépêche-toi d’aller chercher le manteau et le cheval, comme tu l’as dit, et fais tout cela pour le Juif Mardochée, qui exerce des fonctions au palais ! N’omets rien de tout ce que tu as proposé !

11 Haman alla chercher le manteau et le cheval, il revêtit Mardochée du manteau, puis il le fit monter sur le cheval et le conduisit ainsi sur la grande place de la ville en proclamant devant lui : Voilà ce que l’empereur fait pour l’homme qu’il désire honorer !

12 Ensuite, tandis que Mardochée retournait à ses fonctions au palais impérial, Haman rentra précipitamment chez lui comme en deuil et en se couvrant le visage. 13 Il raconta à Zéresh sa femme et à tous ses amis ce qui venait de lui arriver. Ses conseillers et sa femme lui dirent : Si ce Mardochée devant qui tu as commencé à être humilié est Juif, tu ne pourras rien contre lui. Tu peux être certain que tu continueras à déchoir devant lui.

14 Ils étaient encore en train de s’entretenir avec lui quand survinrent les envoyés de l’empereur venus faire presser Haman de se rendre au festin[w] préparé par Esther.

Esther présente sa requête

L’empereur et Haman arrivèrent donc pour festoyer avec l’impératrice Esther. Ce deuxième jour, pendant que l’on buvait le vin, l’empereur demanda de nouveau à Esther : Dis-moi quelle est ta requête, impératrice Esther ? Elle te sera accordée. Quelle est ta demande ? Même si c’est la moitié de mon empire, tu l’obtiendras.

L’impératrice Esther répondit : Si l’empereur veut m’accorder une faveur, si l’empereur le veut bien, que la vie sauve me soit accordée, c’est là ma requête. Que la vie sauve soit aussi accordée à mon peuple, telle est ma demande. En effet, moi et mon peuple, nous avons été livrés pour être massacrés, tués et exterminés. Si nous avions seulement été vendus[x] comme esclaves et servantes, j’aurais gardé le silence ; car, dans ce cas, notre infortune ne vaudrait pas la peine que l’on importune l’empereur[y].

Alors l’empereur Xerxès demanda à l’impératrice Esther : Qui est-il, celui qui a eu l’audace de concevoir un tel dessein ? Où est-il ?

Esther répondit : Le persécuteur, l’ennemi, c’est Haman, ce misérable !

Alors Haman fut épouvanté, devant l’empereur et l’impératrice. Furieux, l’empereur laissa son vin, se leva et sortit dans le jardin du palais. Haman, voyant bien que, dans l’esprit de l’empereur, son malheur était décidé, resta là pour implorer l’impératrice Esther pour sa vie. L’empereur revint du jardin à la salle du festin au moment où Haman se laissait tomber sur le divan où Esther était allongée. Du coup, l’empereur s’écria : Veut-il en plus faire violence à l’impératrice en ma présence dans mon palais ?

A peine l’empereur eut-il prononcé ces mots que l’on recouvrit la tête[z] de Haman. Harbona, l’un des eunuques, dit alors devant l’empereur : Il y a justement cette potence que Haman a fait faire pour Mardochée, qui a parlé pour le bien de l’empereur. Elle se trouve dans la cour de Haman et elle a vingt-cinq mètres de haut.

L’empereur ordonna : Qu’on l’y pende !

10 On pendit donc Haman à la potence qu’il avait préparée pour Mardochée. Alors la colère de l’empereur s’apaisa.

Le nouvel édit

Ce même jour, l’empereur Xerxès fit don à l’impératrice Esther de tous les biens de Haman[aa], le persécuteur des Juifs, et Mardochée fut introduit en présence de l’empereur, car Esther avait révélé quel était son lien de parenté avec elle. Alors l’empereur retira de son doigt l’anneau qu’il avait repris à Haman[ab] et il le donna à Mardochée. Esther le chargea de gérer les biens de Haman. Puis Esther parla de nouveau à l’empereur. Elle se jeta à ses pieds, et le supplia en pleurant de réduire à néant le mal organisé par Haman d’Agag, et les projets qu’il avait formés contre les Juifs. L’empereur tendit le sceptre d’or à Esther. Alors elle se releva et se tint debout devant lui.

– Si l’empereur le veut bien, dit-elle, et si vraiment j’ai obtenu sa faveur, si ma demande lui paraît convenable et s’il trouve plaisir en moi, qu’il veuille bien révoquer par écrit les lettres conçues par Haman, fils d’Hammedata l’Agaguite, et qu’il avait rédigées dans le but de faire périr les Juifs qui vivent dans toutes les provinces de l’empire. En effet, comment pourrais-je supporter de voir le malheur s’abattre sur mon peuple ? Oui, comment pourrais-je supporter la vue de la disparition de ma race ?

L’empereur Xerxès répondit à l’impératrice Esther et au Juif Mardochée : En ce qui me concerne, j’ai déjà donné à Esther les biens de Haman, et lui, je l’ai fait pendre à la potence parce qu’il voulait porter la main sur les Juifs. Vous, maintenant, rédigez des lettres concernant les Juifs, comme vous le jugerez bon. Ecrivez-les au nom de l’empereur et cachetez-les avec le sceau impérial. En effet, un document rédigé au nom de l’empereur et cacheté avec son sceau est irrévocable[ac].

On convoqua les secrétaires impériaux sur-le-champ, le vingt-troisième jour du troisième mois, c’est-à-dire du mois de Sivân. On écrivit aux Juifs, aux satrapes, aux gouverneurs et aux ministres des cent vingt-sept provinces qui s’étendaient de l’Inde à l’Ethiopie, tout ce qu’ordonna Mardochée. On rédigea les lettres avec l’écriture de chaque province et selon la langue de chaque peuple. De même, on écrivit aux Juifs avec leur écriture et dans leur langue. 10 Les lettres furent écrites au nom de l’empereur Xerxès et cachetées avec son sceau, et on les expédia par des courriers montés sur des pur-sang sélectionnés de l’administration impériale[ad].

11 Par cet édit, l’empereur autorisait les Juifs de chaque ville à se regrouper pour défendre leur vie, à massacrer, tuer et exterminer toute bande armée d’un peuple ou d’une province qui les attaquerait, y compris leurs enfants et leurs femmes, et à piller les biens de ces gens. 12 Cette autorisation était valable pour un jour, le treizième jour du douzième mois qui est le mois d’Adar, dans toutes les provinces de l’empereur Xerxès[ae]. 13 Une copie du texte de la lettre devait être promulguée comme ayant force de loi dans chaque province, et portée à la connaissance de toute sa population, afin que les Juifs se tiennent prêts à se faire justice de leurs ennemis ce jour-là.

14 Les courriers montés sur les pur-sang de l’administration impériale partirent à bride abattue, par ordre de l’empereur, tandis que l’édit était immédiatement publié dans la citadelle de Suse. 15 Mardochée sortit de chez l’empereur revêtu d’un habit impérial violet et blanc, et portant une grande couronne d’or et un manteau de byssus et de pourpre. Toute la ville de Suse retentissait de cris de joie et se réjouissait. 16 Pour les Juifs, ce fut un jour lumineux, un jour de bonheur, de joie et de gloire. 17 En chaque province, en chaque ville, et en tout lieu où parvenaient l’ordonnance et l’édit de l’empereur, ce fut pour les Juifs le bonheur et la joie, ainsi qu’une occasion de festin et de fête. Un grand nombre de gens du pays se firent Juifs, tant les Juifs leur inspiraient de crainte.

Le péril des ennemis des Juifs

Le treizième jour du douzième mois, c’est-à-dire le mois d’Adar, arriva. C’était le jour où le décret impérial devait être appliqué. En ce jour, les ennemis des Juifs avaient espéré se rendre maîtres d’eux, mais la situation se retourna : ce furent les Juifs qui se rendirent maîtres de leurs ennemis. Dans les villes de toutes les provinces de l’empereur Xerxès où ils habitaient, ils se regroupèrent pour s’en prendre à ceux qui leur voulaient du mal. Personne ne put leur résister, tant la peur qu’ils inspiraient s’était emparée de tout le monde. Tous les ministres des provinces, les satrapes, les gouverneurs et les fonctionnaires impériaux soutinrent les Juifs par crainte de Mardochée. En effet, celui-ci occupait un haut rang au palais impérial, et sa renommée s’était répandue dans toutes les provinces, car il devenait de plus en plus puissant.

Ainsi, les Juifs frappèrent tous leurs ennemis de l’épée, ils les tuèrent et les exterminèrent, ou les traitèrent comme ils le jugèrent bon. Dans la seule citadelle de Suse, les Juifs tuèrent et firent périr cinq cents hommes, ainsi que Parshandatha, Dalphôn et Aspata, Porata, Adalia et Aridata, Parmashta, Arizaï, Aridaï et Vayezata, 10 les dix fils de Haman, fils de Hammedata, le persécuteur des Juifs. Mais on s’abstint de tout pillage.

11 Le jour même, l’empereur fut informé du nombre de victimes dans la citadelle de Suse. 12 Il dit à l’impératrice Esther : Dans la seule citadelle de Suse, les Juifs ont tué et fait périr cinq cents hommes ainsi que les dix fils de Haman. Qu’ont-ils dû faire dans les autres provinces de l’empire ! Néanmoins, si tu as encore une requête à formuler, elle te sera accordée. Quelle est ta demande ? Tu l’obtiendras.

13 Esther répondit : Si l’empereur le veut bien, qu’il accorde aux Juifs de Suse la permission d’agir demain comme aujourd’hui, et que l’on pende les corps des dix fils de Haman à la potence.

14 L’empereur donna l’ordre de procéder ainsi. Un nouveau décret fut promulgué à Suse, et les dix fils de Haman furent pendus. 15 Les Juifs de Suse se rassemblèrent donc encore le quatorzième jour du mois d’Adar et tuèrent trois cents hommes, mais sans piller leurs biens.

16 Les autres Juifs disséminés dans les provinces de l’empire se réunirent aussi pour défendre leur vie et garantir leur tranquillité vis-à-vis de leurs ennemis, 17 et le treizième jour du mois d’Adar, ils tuèrent 75 000 de leurs ennemis, mais sans piller leurs biens. Le quatorzième jour du mois, ils cessèrent tout massacre et firent de ce jour un jour de festin et de réjouissances.

18 Par contre les Juifs de Suse qui s’étaient regroupés le treizième et le quatorzième jour, se reposèrent le quinzième, et c’est ce jour-là qu’ils firent des festins et se livrèrent à des réjouissances. 19 C’est ce qui explique pourquoi les Juifs disséminés dans les campagnes et ceux qui habitent des localités des campagnes font du quatorzième jour du mois d’Adar un jour de fête, de réjouissances et de festin, et s’envoient mutuellement des cadeaux ce jour-là.

L’institution de la fête de Pourim

20 Mardochée consigna par écrit le récit de tous ces événements, puis il envoya des lettres à tous les Juifs de toutes les provinces de l’empereur Xerxès, auprès et au loin. 21 Il leur demanda de célébrer tous les ans une fête le quatorzième et le quinzième jour du mois d’Adar, 22 puisqu’en ces jours, les Juifs s’étaient assuré la tranquillité vis-à-vis de leurs ennemis et qu’en ce mois, leur affliction avait été changée en joie et leur deuil en fête. Il les invitait à commémorer ces jours-là par des festins et des réjouissances, et par des échanges mutuels de cadeaux et des dons aux pauvres. 23 Les Juifs suivirent les consignes de Mardochée et firent de cette fête, qu’ils venaient de célébrer, une tradition à respecter tous les ans.

24 Car Haman, fils de Hammedata l’Agaguite, le persécuteur de tous les Juifs, avait résolu de les exterminer. Il avait jeté le Pour – ce qui veut dire « sort » en perse – en vue de leur ruine et de leur extermination. 25 Mais Esther était allée trouver l’empereur qui avait ordonné par écrit de faire retomber sur lui les méchants plans qu’il avait formés contre les Juifs et de le pendre, lui et ses fils, à la potence. 26 C’est pourquoi on a appelé ces jours-là Pourim d’après le mot perse qui signifie « sort ».

Selon les instructions de la lettre de Mardochée et à cause des événements dont ils avaient eux-mêmes été les témoins et qu’ils avaient subis, 27 les Juifs instituèrent la tradition pour eux, pour leurs descendants et pour ceux qui se joindraient à eux, selon laquelle on ne devait pas omettre de célébrer chaque année ces deux jours à la date fixée et de la manière prescrite par Mardochée. 28 Ainsi le souvenir de ces jours est perpétué de génération en génération dans chaque famille, dans chaque province et dans chaque ville, par cette célébration. Les Juifs ne doivent pas cesser de célébrer ces jours des Pourim et leur souvenir ne doit pas se perdre chez leurs descendants.

29 L’impératrice Esther, fille d’Abichaïl, écrivit avec le Juif Mardochée en usant de toute son autorité pour confirmer cette seconde lettre au sujet des Pourim. 30 Ils envoyèrent des lettres contenant des vœux pour une paix véritable à tous les Juifs des cent vingt-sept provinces de l’empire de Xerxès. 31 Elles confirmaient l’institution de ces jours des Pourim à la date fixée, tels que le Juif Mardochée et l’impératrice Esther les avaient institués, et tels que les Juifs les avaient eux-mêmes institués pour eux-mêmes et pour leurs descendants, avec des jeûnes et des supplications. 32 L’ordre d’Esther institua le rituel de cette fête des Pourim, et cela fut consigné dans un livre.

Mardochée, bras droit de l’empereur

10 Par la suite, l’empereur Xerxès imposa un tribut à tout son empire ainsi qu’aux territoires côtiers[af]. Tous ses actes démontrant sa puissance et sa vaillance, ainsi que la manière dont il éleva Mardochée à un rang important, sont consignés dans le livre des Annales des empereurs des Mèdes et des Perses. Le Juif Mardochée occupa, en effet, le second rang, après l’empereur Xerxès. Il fut très considéré par les Juifs et aimé par tous ses compatriotes, parce qu’il travaillait au bien de son peuple et œuvrait pour la paix de toute sa race[ag].

Footnotes

  1. 1.1 En hébreu : Assuérus. Probablement Xerxès Ier (486 à 465 av. J.-C.).
  2. 1.1 L’Empire perse était divisé en vingt satrapies ou provinces, lesquelles étaient subdivisées en plusieurs disctricts administratifs.
  3. 1.2 Il ne s’agit pas de l’avènement de l’empereur (voir v. 3), mais certainement de sa première venue dans la citadelle de Suse, après avoir maté dans l’empire des rébellions suscitées par son accession au trône.
  4. 1.2 Suse était l’une des quatre capitales de l’empire (avec Babylone, Persépolis et Ecbatane). C’était la résidence d’hiver des rois perses. La citadelle où se trouvait le palais royal dominait le reste de la ville (voir 3.15 ; 4.1-2, 6 ; 8.14).
  5. 1.6 Lors des festins, les Perses, comme les autres peuples de l’Antiquité, mangeaient allongés sur des divans (voir Am 6.4).
  6. 1.22 Au lieu de : et y impose … langue maternelle, on pourrait traduire : qu’il puisse dire ce qui lui convient.
  7. 2.5 Nom formé à partir de celui de la principale divinité babylonienne Mardouk (Esd 2.2). Mardochée portait sans doute un nom juif (comme Esther : v. 7 ; Daniel et ses amis : Dn 1.6-7) qui n’est pas mentionné.
  8. 2.6 On pourrait comprendre, d’après l’hébreu, que c’est Qish qui a été déporté. Mais Shimeï et Qish sont très certainement des ancêtres lointains de Mardochée (voir 2 S 16.5-14 ; 1 S 9.1).
  9. 2.6 Appelé aussi Yehoyakîn.
  10. 2.7 Esther portait un nom juif (Hadassa, « myrte ») et un nom perse (Esther, « étoile » ou, selon d’autres, nom dérivé de Ishtar, déesse babylonienne). Voir note v. 5.
  11. 2.16 Décembre 479 ou janvier 478 av. J.-C.
  12. 2.23 Tablettes sur lesquelles on consignait les faits importants de la vie de l’empire (voir 6.1).
  13. 3.7 C’est-à-dire, le mois de la Pâque, en avril ou mai 474 av. J.-C., cinq ans après l’élévation d’Esther au titre d’impératrice (voir 2.16-17).
  14. 3.7 Mars-avril.
  15. 3.10 L’anneau royal portait le sceau qui validait les décrets (voir v. 12 ; Gn 41.42).
  16. 3.12 La veille de la Pâque pour les Juifs.
  17. 3.12 L’Empire perse était divisé en 20 satrapies et 127 districts administratifs régies par des gouverneurs. Les satrapes sont aussi mentionnés en 8.9 ; 9.3.
  18. 4.3 Signe habituel de deuil ou d’une grande tristesse (voir Ez 27.30 ; Jon 3.6).
  19. 4.14 Allusion à Dieu.
  20. 5.11 D’après 9.7-10, il en avait dix.
  21. 6.1 Voir 2.23.
  22. 6.8 Sur des monuments anciens, on voit des chevaux couronnés d’un ornement à trois pointes ressemblant à une couronne.
  23. 6.14 On venait chercher les invités de marque à leur domicile.
  24. 7.4 Voir 3.9 et 4.7 : Esther avait été informée de la transaction proposée par Haman.
  25. 7.4 Autre traduction : … j’aurais gardé le silence ; mais la compensation offerte par notre adversaire n’est pas comparable au préjudice que l’empereur va subir.
  26. 7.8 On recouvrait la tête des condamnés à mort.
  27. 8.1 Selon la coutume du temps, les biens d’un condamné à mort étaient confisqués par l’empereur.
  28. 8.2 Voir 3.10 et note.
  29. 8.8 Dans l’administration perse, un décret enregistré en bonne et due forme était irrévocable (1.19 ; voir Dn 6.9), mais l’empereur pouvait promulguer un nouveau décret opposé au premier, autorisant les Juifs à se défendre s’ils étaient attaqués.
  30. 8.10 Sens le plus probable d’un terme inconnu (de même au v. 14).
  31. 8.12 C’est-à-dire à la date prévue par Haman pour le massacre des Juifs (3.13) : 7 mars 473 av. J.-C.
  32. 10.1 Les îles de la mer Egée avaient été conquises par Darius Hystaspe, mais perdues par Xerxès dans la guerre contre les Grecs, sauf Chypre et quelques petites îles de la côte libyenne.
  33. 10.3 Les Juifs jouirent de la paix et de la prospérité dans l’Empire perse jusqu’au temps des successeurs d’Alexandre le Grand.