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30 Et maintenant!... je suis la risée de plus jeunes que moi, De ceux dont je dédaignais de mettre les pères Parmi les chiens de mon troupeau.

Mais à quoi me servirait la force de leurs mains? Ils sont incapables d'atteindre la vieillesse.

Desséchés par la misère et la faim, Ils fuient dans les lieux arides, Depuis longtemps abandonnés et déserts;

Ils arrachent près des arbrisseaux les herbes sauvages, Et ils n'ont pour pain que la racine des genêts.

On les chasse du milieu des hommes, On crie après eux comme après des voleurs.

Ils habitent dans d'affreuses vallées, Dans les cavernes de la terre et dans les rochers;

Ils hurlent parmi les buissons, Ils se rassemblent sous les ronces.

Etres vils et méprisés, On les repousse du pays.

Et maintenant, je suis l'objet de leurs chansons, Je suis en butte à leurs propos.

10 Ils ont horreur de moi, ils se détournent, Ils me crachent au visage.

11 Ils n'ont plus de retenue et ils m'humilient, Ils rejettent tout frein devant moi.

12 Ces misérables se lèvent à ma droite et me poussent les pieds, Ils se fraient contre moi des sentiers pour ma ruine;

13 Ils détruisent mon propre sentier et travaillent à ma perte, Eux à qui personne ne viendrait en aide;

14 Ils arrivent comme par une large brèche, Ils se précipitent sous les craquements.

15 Les terreurs m'assiègent; Ma gloire est emportée comme par le vent, Mon bonheur a passé comme un nuage.

16 Et maintenant, mon âme s'épanche en mon sein, Les jours de la souffrance m'ont saisi.

17 La nuit me perce et m'arrache les os, La douleur qui me ronge ne se donne aucun repos,

18 Par la violence du mal mon vêtement perd sa forme, Il se colle à mon corps comme ma tunique.

19 Dieu m'a jeté dans la boue, Et je ressemble à la poussière et à la cendre.

20 Je crie vers toi, et tu ne me réponds pas; Je me tiens debout, et tu me lances ton regard.

21 Tu deviens cruel contre moi, Tu me combats avec la force de ta main.

22 Tu mu soulèves, tu mu fais voler au-dessus du vent, Et tu m'anéantis au bruit de la tempête.

23 Car, je le sais, tu me mènes à la mort, Au rendez-vous de tous les vivants.

24 Mais celui qui va périr n'étend-il pas les mains? Celui qui est dans le malheur n'implore-t-il pas du secours?

25 N'avais-je pas des larmes pour l'infortuné? Mon coeur n'avait-il pas pitié de l'indigent?

26 J'attendais le bonheur, et le malheur est arrivé; J'espérais la lumière, et les ténèbres sont venues.

27 Mes entrailles bouillonnent sans relâche, Les jours de la calamité m'ont surpris.

28 Je marche noirci, mais non par le soleil; Je me lève en pleine assemblée, et je crie.

29 Je suis devenu le frère des chacals, Le compagnon des autruches.

30 Ma peau noircit et tombe, Mes os brûlent et se dessèchent.

31 Ma harpe n'est plus qu'un instrument de deuil, Et mon chalumeau ne peut rendre que des sons plaintifs.

31 J'avais fait un pacte avec mes yeux, Et je n'aurais pas arrêté mes regards sur une vierge.

Quelle part Dieu m'eût-il réservée d'en haut? Quel héritage le Tout Puissant m'eût-il envoyé des cieux?

La ruine n'est-elle pas pour le méchant, Et le malheur pour ceux qui commettent l'iniquité?

Dieu n'a-t-il pas connu mes voies? N'a-t-il pas compté tous mes pas?

Si j'ai marché dans le mensonge, Si mon pied a couru vers la fraude,

Que Dieu me pèse dans des balances justes, Et il reconnaîtra mon intégrité!

Si mon pas s'est détourné du droit chemin, Si mon coeur a suivi mes yeux, Si quelque souillure s'est attachée à mes mains,

Que je sème et qu'un autre moissonne, Et que mes rejetons soient déracinés!

Si mon coeur a été séduit par une femme, Si j'ai fait le guet à la porte de mon prochain,

10 Que ma femme tourne la meule pour un autre, Et que d'autres la déshonorent!

11 Car c'est un crime, Un forfait que punissent les juges;

12 C'est un feu qui dévore jusqu'à la ruine, Et qui aurait détruit toute ma richesse.

13 Si j'ai méprisé le droit de mon serviteur ou de ma servante Lorsqu'ils étaient en contestation avec moi,

14 Qu'ai-je à faire, quand Dieu se lève? Qu'ai-je à répondre, quand il châtie?

15 Celui qui m'a créé dans le ventre de ma mère ne l'a-t-il pas créé? Le même Dieu ne nous a-t-il pas formés dans le sein maternel?

16 Si j'ai refusé aux pauvres ce qu'ils demandaient, Si j'ai fait languir les yeux de la veuve,

17 Si j'ai mangé seul mon pain, Sans que l'orphelin en ait eu sa part,

18 Moi qui l'ai dès ma jeunesse élevé comme un père, Moi qui dès ma naissance ai soutenu la veuve;

19 Si j'ai vu le malheureux manquer de vêtements, L'indigent n'avoir point de couverture,

20 Sans que ses reins m'aient béni, Sans qu'il ait été réchauffé par la toison de mes agneaux;

21 Si j'ai levé la main contre l'orphelin, Parce que je me sentais un appui dans les juges;

22 Que mon épaule se détache de sa jointure, Que mon bras tombe et qu'il se brise!

23 Car les châtiments de Dieu m'épouvantent, Et je ne puis rien devant sa majesté.

24 Si j'ai mis dans l'or ma confiance, Si j'ai dit à l'or: Tu es mon espoir;

25 Si je me suis réjoui de la grandeur de mes biens, De la quantité des richesses que j'avais acquises;

26 Si j'ai regardé le soleil quand il brillait, La lune quand elle s'avançait majestueuse,

27 Et si mon coeur s'est laissé séduire en secret, Si ma main s'est portée sur ma bouche;

28 C'est encore un crime que doivent punir les juges, Et j'aurais renié le Dieu d'en haut!

29 Si j'ai été joyeux du malheur de mon ennemi, Si j'ai sauté d'allégresse quand les revers l'ont atteint,

30 Moi qui n'ai pas permis à ma langue de pécher, De demander sa mort avec imprécation;

31 Si les gens de ma tente ne disaient pas: Où est celui qui n'a pas été rassasié de sa viande?

32 Si l'étranger passait la nuit dehors, Si je n'ouvrais pas ma porte au voyageur;

33 Si, comme les hommes, j'ai caché mes transgressions, Et renfermé mes iniquités dans mon sein,

34 Parce que j'avais peur de la multitude, Parce que je craignais le mépris des familles, Me tenant à l'écart et n'osant franchir ma porte...

35 Oh! qui me fera trouver quelqu'un qui m'écoute? Voilà ma défense toute signée: Que le Tout Puissant me réponde! Qui me donnera la plainte écrite par mon adversaire?

36 Je porterai son écrit sur mon épaule, Je l'attacherai sur mon front comme une couronne;

37 Je lui rendrai compte de tous mes pas, Je m'approcherai de lui comme un prince.

38 Si ma terre crie contre moi, Et que ses sillons versent des larmes;

39 Si j'en ai mangé le produit sans l'avoir payée, Et que j'aie attristé l'âme de ses anciens maîtres;

40 Qu'il y croisse des épines au lieu de froment, Et de l'ivraie au lieu d'orge! Fin des paroles de Job.

32 Ces trois hommes cessèrent de répondre à Job, parce qu'il se regardait comme juste.

Alors s'enflamma de colère Élihu, fils de Barakeel de Buz, de la famille de Ram. Sa colère s'enflamma contre Job, parce qu'il se disait juste devant Dieu.

Et sa colère s'enflamma contre ses trois amis, parce qu'ils ne trouvaient rien à répondre et que néanmoins ils condamnaient Job.

Comme ils étaient plus âgés que lui, Élihu avait attendu jusqu'à ce moment pour parler à Job.

Mais, voyant qu'il n'y avait plus de réponse dans la bouche de ces trois hommes, Élihu s'enflamma de colère.

Et Élihu, fils de Barakeel de Buz, prit la parole et dit: Je suis jeune, et vous êtes des vieillards; C'est pourquoi j'ai craint, j'ai redouté De vous faire connaître mon sentiment.

Je disais en moi-même: Les jours parleront, Le grand nombre des années enseignera la sagesse.

Mais en réalité, dans l'homme, c'est l'esprit, Le souffle du Tout Puissant, qui donne l'intelligence;

Ce n'est pas l'âge qui procure la sagesse, Ce n'est pas la vieillesse qui rend capable de juger.

10 Voilà pourquoi je dis: Écoute! Moi aussi, j'exposerai ma pensée.

11 J'ai attendu la fin de vos discours, J'ai suivi vos raisonnements, Votre examen des paroles de Job.

12 Je vous ai donné toute mon attention; Et voici, aucun de vous ne l'a convaincu, Aucun n'a réfuté ses paroles.

13 Ne dites pas cependant: En lui nous avons trouvé la sagesse; C'est Dieu qui peut le confondre, ce n'est pas un homme!

14 Il ne s'est pas adressé directement à moi: Aussi lui répondrai-je tout autrement que vous.

15 Ils ont peur, ils ne répondent plus! Ils ont la parole coupée!

16 J'ai attendu qu'ils eussent fini leurs discours, Qu'ils s'arrêtassent et ne sussent que répliquer.

17 A mon tour, je veux répondre aussi, Je veux dire aussi ce que je pense.

18 Car je suis plein de paroles, L'esprit me presse au dedans de moi;

19 Mon intérieur est comme un vin qui n'a pas d'issue, Comme des outres neuves qui vont éclater.

20 Je parlerai pour respirer à l'aise, J'ouvrirai mes lèvres et je répondrai.

21 Je n'aurai point égard à l'apparence, Et je ne flatterai personne;

22 Car je ne sais pas flatter: Mon créateur m'enlèverait bien vite.

33 Maintenant donc, Job, écoute mes discours, Prête l'oreille à toutes mes paroles!

Voici, j'ouvre la bouche, Ma langue se remue dans mon palais.

C'est avec droiture de coeur que je vais parler, C'est la vérité pure qu'exprimeront mes lèvres:

L'esprit de Dieu m'a créé, Et le souffle du Tout Puissant m'anime.

Si tu le peux, réponds-moi, Défends ta cause, tiens-toi prêt!

Devant Dieu je suis ton semblable, J'ai été comme toi formé de la boue;

Ainsi mes terreurs ne te troubleront pas, Et mon poids ne saurait t'accabler.

Mais tu as dit à mes oreilles, Et j'ai entendu le son de tes paroles:

Je suis pur, je suis sans péché, Je suis net, il n'y a point en moi d'iniquité.

10 Et Dieu trouve contre moi des motifs de haine, Il me traite comme son ennemi;

11 Il met mes pieds dans les ceps, Il surveille tous mes mouvements.

12 Je te répondrai qu'en cela tu n'as pas raison, Car Dieu est plus grand que l'homme.

13 Veux-tu donc disputer avec lui, Parce qu'il ne rend aucun compte de ses actes?

14 Dieu parle cependant, tantôt d'une manière, Tantôt d'une autre, et l'on n'y prend point garde.

15 Il parle par des songes, par des visions nocturnes, Quand les hommes sont livrés à un profond sommeil, Quand ils sont endormis sur leur couche.

16 Alors il leur donne des avertissements Et met le sceau à ses instructions,

17 Afin de détourner l'homme du mal Et de le préserver de l'orgueil,

18 Afin de garantir son âme de la fosse Et sa vie des coups du glaive.

19 Par la douleur aussi l'homme est repris sur sa couche, Quand une lutte continue vient agiter ses os.

20 Alors il prend en dégoût le pain, Même les aliments les plus exquis;

21 Sa chair se consume et disparaît, Ses os qu'on ne voyait pas sont mis à nu;

22 Son âme s'approche de la fosse, Et sa vie des messagers de la mort.

23 Mais s'il se trouve pour lui un ange intercesseur, Un d'entre les mille Qui annoncent à l'homme la voie qu'il doit suivre,

24 Dieu a compassion de lui et dit à l'ange: Délivre-le, afin qu'il ne descende pas dans la fosse; J'ai trouvé une rançon!

25 Et sa chair a plus de fraîcheur qu'au premier âge, Il revient aux jours de sa jeunesse.

26 Il adresse à Dieu sa prière; et Dieu lui est propice, Lui laisse voir sa face avec joie, Et lui rend son innocence.

27 Il chante devant les hommes et dit: J'ai péché, j'ai violé la justice, Et je n'ai pas été puni comme je le méritais;

28 Dieu a délivré mon âme pour qu'elle n'entrât pas dans la fosse, Et ma vie s'épanouit à la lumière!

29 Voilà tout ce que Dieu fait, Deux fois, trois fois, avec l'homme,

30 Pour ramener son âme de la fosse, Pour l'éclairer de la lumière des vivants.

31 Sois attentif, Job, écoute-moi! Tais-toi, et je parlerai!

32 Si tu as quelque chose à dire, réponds-moi! Parle, car je voudrais te donner raison.

33 Si tu n'as rien à dire, écoute-moi! Tais-toi, et je t'enseignerai la sagesse.

Job évoque sa condition présente

30 Mais hélas, aujourd’hui |me voilà la risée |de gamins dont les pères

étaient si méprisables
que je n’aurais daigné |les mettre avec mes chiens |pour garder mon troupeau.
D’ailleurs, qu’aurais-je fait |des efforts de leurs bras ?
Leur vigueur s’en allait :
épuisés par la faim |et par les privations,
ils rôdaient dans la steppe
par une nuit |de dévastation et désolation.
Ils arrachaient l’herbe salée[a] |au milieu des buissons,
ils prenaient les racines |du genêt comme pain.
Ils ont été chassés |du milieu de leur peuple[b],
on criait après eux |comme après des voleurs.
Ils hantaient les cavernes |au flanc des précipices,
ils logeaient dans des grottes |ou des trous de la terre.
Au milieu des épines |retentissaient leurs cris,
ils se couchaient |à l’abri des broussailles.
Ces êtres insensés |et innommables
avaient été chassés |hors du pays.

Me voici devenu |l’objet de leurs chansons,
celui dont tous se moquent.
10 Ils ont horreur de moi, |et s’éloignent de moi,
ou bien, sans hésiter, |me crachent au visage.
11 Car il a détendu |la corde de mon arc, |et il m’a humilié.
Aussi n’ont-ils plus envers moi |la moindre retenue.
12 Ils sont nombreux[c], |à ma droite, ils se lèvent[d] |et me font perdre pied,
ils se fraient vers moi des chemins |pour précipiter mon malheur.
13 Ils coupent ma retraite, |travaillant à ma ruine,
sans avoir besoin d’aide.
14 Ils arrivent sur moi |par une large brèche,
ils vont et viennent en tous sens |comme dans un lieu dévasté.
15 La terreur m’envahit,
ma dignité s’évanouit |comme emportée par la tempête,
tout secours m’est ôté |comme passe un nuage.

16 Et maintenant, ma vie s’échappe[e].
Des jours d’affliction m’ont étreint.
17 Dans la nuit il perce mes os
et mes nerfs n’ont pas de repos[f].
18 Avec toute sa force, |il s’agrippe à mon vêtement[g],
comme un col, il m’enserre.
19 Il m’a précipité |au milieu de la fange,
et je ne vaux pas mieux |que poussière et que cendre.

20 De mes cris je t’implore, |et tu ne réponds pas.
Je me tiens devant toi |et tu ne fais rien d’autre |que de me regarder.
21 Tu as changé ! |Tu t’es rendu cruel |à mon égard !
Avec la force de ta main, |tu t’acharnes sur moi !
22 Tu m’as fait enlever |sur les chevaux du vent,
et tu me fais tanguer |au sein de l’ouragan.
23 Je ne le sais que trop : |tu me mènes à la mort,
au lieu de rendez-vous |de tout être vivant.
24 Mais celui qui périt |ne tend-il pas la main ?
Celui qui est dans le malheur |ne crie-t-il pas ?

25 N’ai-je pas autrefois pleuré |avec ceux dont la vie est dure,
n’ai-je pas compati |à la peine du pauvre.
26 J’espérais le bonheur, |et le malheur est arrivé,
j’attendais la lumière |et les ténèbres sont venues.
27 Tout mon être intérieur |bouillonne sans relâche.
Des jours d’affliction m’ont atteint.
28 Je m’avance, l’air sombre, |et sans voir le soleil.
Au milieu de la foule |je me dresse et je hurle.
29 C’est comme si j’étais |un frère du chacal
ou un compagnon de l’autruche[h].
30 Ma peau noircit sur moi,
mes os sont consumés |par le feu de la fièvre.
31 Ma lyre ne sert plus |que pour des airs funèbres,
ma flûte n’accompagne |que le chant des pleureurs.

Job évoque sa conduite

31 Pourtant, j’avais conclu |un pacte avec mes yeux :

ils ne devaient jamais porter |un regard chargé de désir |sur une jeune fille.
Car quelle part |Dieu pourrait-il |me réserver d’en haut ?
Quel serait l’héritage |que me destinerait |du haut des cieux |le Tout-Puissant ?
En effet, le malheur |n’est-il pas réservé |à ceux qui sont injustes
et la tribulation |à ceux qui font le mal ?
Et ne voit-il donc pas |comment je me comporte ?
Ne tient-il pas le compte |de tous mes faits et gestes ?

Ai-je vécu |dans le mensonge ?
Mon pied s’est-il hâté |pour commettre la fraude ?
Que Dieu me pèse |sur la balance juste,
et il constatera |mon innocence.

Si mes pas ont dévié |du droit chemin,
si mon cœur a suivi |les désirs de mes yeux[i],
et si quelque souillure |m’a rendu les mains sales,
alors, ce que je sème, |qu’un autre le consomme,
et que l’on déracine |ce que j’avais planté.

Si je me suis laissé séduire |par une femme,
ou si j’ai fait le guet |devant la porte |de mon voisin,
10 qu’alors ma femme tourne |la meule pour un autre[j],
et qu’elle soit livrée |aux désirs d’autres hommes !
11 Car c’est une infamie,
un crime qui relève |du tribunal des juges,
12 c’est un feu qui dévore |jusque dans l’abîme infernal
et qui me priverait |de tout mon revenu.

13 Si je n’ai pas fait droit |à ma servante |ou à mon serviteur
quand, avec moi, |ils avaient un litige,
14 je ne saurai que faire |quand Dieu se lèvera |pour me juger,
je ne saurai que lui répondre |quand il demandera des comptes.
15 Celui qui m’a tissé |dans le sein de ma mère, |ne les a-t-il pas faits, |eux, tout autant que moi ?
Oui, c’est le même Dieu |qui nous a tous formés |dans le sein maternel.

16 Me suis-je donc soustrait |aux requêtes des pauvres,
ou bien ai-je déçu |le regard plein d’espoir des veuves ?
17 Ai-je mangé mon pain |tout seul,
sans partager |avec un orphelin ?
18 Non, depuis ma jeunesse, |j’ai été pour lui comme un père |auprès duquel il a grandi.
Dès le sein de ma mère, |j’ai servi de guide à la veuve.
19 Ai-je vu l’indigent |privé de vêtement,
et le nécessiteux |manquant de couverture,
20 sans leur donner |une occasion de me bénir
pour avoir pu se réchauffer |sous la toison de mes brebis ?
21 Si j’ai brandi le poing |à l’encontre d’un orphelin,
me sachant soutenu |au tribunal,
22 alors que mon épaule |s’arrache de mon corps
et que mon avant-bras |se rompe au coude !
23 En fait, j’ai toujours redouté |le châtiment de Dieu :
je ne peux rien |devant sa majesté.

24 Ai-je placé |ma confiance dans l’or ?
Ai-je dit à l’or fin : |« Tu es mon assurance » ?
25 Ai-je tiré ma joie |de ma grande fortune
et de ce que mes mains |avaient beaucoup gagné ?
26 Quand j’ai contemplé la lumière |pendant qu’elle resplendissait,
ou quand j’ai vu la lune |s’avancer dans le ciel, |brillant avec éclat,
27 mon cœur s’est-il laissé séduire |secrètement,
leur ai-je envoyé des baisers |en portant ma main à la bouche[k] ?
28 En agissant ainsi, |j’aurais encore commis une faute |menant au tribunal,
et j’aurais renié |le Dieu du ciel.

29 Ai-je trouvé plaisir |à voir mon ennemi |plongé dans l’infortune ?
Ai-je sauté de joie |lorsque le malheur l’atteignait[l] ?
30 Moi qui n’aurais jamais |autorisé ma langue |à commettre une faute
en demandant sa mort |par des imprécations …
31 Voyez ce que déclarent |ceux que j’ai abrités :
« Qui n’a-t-il pas nourri |de viande à satiété ? »
32 Jamais un étranger |n’a dû coucher dehors,
j’ouvrais toujours ma porte |au voyageur.
33 Ai-je caché |mes péchés comme Adam[m],
afin d’enfouir |mes fautes en moi-même ?
34 Parce que j’avais peur |de l’opinion des foules,
ou bien par crainte |du mépris des familles,
suis-je resté muet, |n’osant franchir ma porte ?

35 Ah ! si j’avais quelqu’un |qui veuille m’écouter !
Voilà mon dernier mot[n].
Que le Dieu tout-puissant |me donne sa réponse.
Quant à l’acte d’accusation |rédigé par mon adversaire,
36 je le mettrais sur mon épaule[o],
je m’en ceindrais le front |comme d’un diadème.
37 Et je lui rendrais compte |de chacun de mes actes,
j’avancerais vers lui |aussi digne qu’un prince.

38 Si mes terres m’ont accusé,
si j’ai fait pleurer leurs sillons,
39 si j’ai joui de leurs produits |sans les avoir payés,
et si j’ai opprimé |ceux qui s’en occupaient,
40 alors qu’au lieu de blé, |il y pousse des ronces,
et des orties |à la place de l’orge.

C’est ici que finissent les paroles de Job.

Discours d’Élihou

L’intervention d’Elihou

32 Comme Job persistait à se considérer juste, ces trois hommes cessèrent de lui répondre. Alors Elihou, fils de Barakéel, de Bouz[p], et du groupe familial de Ram, se mit en colère. Il se mit en colère contre Job parce que celui-ci se disait plus juste que Dieu[q]. Il était aussi en colère contre ses trois amis parce qu’ils n’avaient pas trouvé comment lui répondre, et qu’ils avaient ainsi condamné Dieu[r]. Elihou avait attendu avant de s’adresser à Job, parce que les trois amis étaient plus âgés que lui. Mais lorsque Elihou s’aperçut qu’ils n’avaient plus rien à lui répondre, il se mit en colère. Elihou, fils de Barakéel, de Bouz, prit donc la parole et dit :

Elihou revendique le droit à la parole

Moi, je suis jeune ; |vous, vous êtes âgés.
C’est pourquoi j’ai eu peur,
oui, j’ai craint de vous exposer |ce que je sais.
Je me disais :
« Ceux qui ont un âge avancé |sauront parler,
l’expérience de l’âge |fera connaître la sagesse. »
Mais, en réalité, |en l’homme, c’est l’Esprit,
l’inspiration du Tout-Puissant |qui lui donne l’intelligence.
Un grand nombre d’années |ne rend pas forcément plus sage
et ce ne sont pas les vieillards |qui comprennent ce qui est juste.
10 Ecoute-moi :
j’exposerai |moi aussi mon savoir.

11 Jusqu’ici, j’attendais, |j’écoutais vos discours
et vos raisonnements
pour vous laisser |critiquer ses propos.
12 Avec toute mon attention |je vous ai écoutés,
mais aucun de vous trois |n’a pu convaincre Job,
aucun de vous |n’a réfuté ses dires.
13 Surtout ne dites pas : |« Nous, nous savons ce qu’il en est :
Dieu seul, et non pas l’homme, |pourra le réfuter. »
14 Pourtant ce n’est pas contre moi |que Job a dirigé |tous ses propos.
Je ne lui répondrai donc pas |avec des mots comme les vôtres.

15 Les voilà[s] tout déconcertés, |ils n’ont plus rien à dire.
Les mots leur font défaut.
16 J’ai attendu … |Puisqu’ils ne parlent plus,
qu’ils ont cessé |de donner la réplique,
17 je veux donc, moi aussi, |répondre pour ma part,
oui, moi aussi, exposer mon savoir.
18 Car je suis plein |de mots à dire
et mon esprit |me presse de parler.
19 Voici : dans mon être intérieur, |c’est comme un vin nouveau |qui serait sous pression,
comme des outres neuves |sur le point d’éclater.
20 Ainsi je parlerai |pour respirer à l’aise,
j’ouvrirai donc la bouche |et je répliquerai.
21 Je veux être impartial
et ne flatter personne.
22 D’ailleurs, je ne sais pas |l’art de la flatterie,
et celui qui m’a fait |m’enlèverait bien vite.

Dieu se sert de la souffrance pour parler aux hommes

33 Maintenant, Job, veuille écouter

mon propos, je te prie
et prête bien l’oreille |à toutes mes paroles ;
voici, j’ouvre la bouche,
et ma langue s’exprime.
Mes mots proviennent |d’un cœur plein de droiture,
ma bouche exposera la science |en toute vérité.
Oui, c’est l’Esprit de Dieu |qui m’a formé,
c’est le souffle du Tout-Puissant |qui me fait vivre.
Si tu peux, réponds-moi,
prépare ta défense |et prends position devant moi.
Car voici, devant Dieu |je suis semblable à toi,
j’ai été, comme toi, |façonné dans l’argile.
Ainsi tu ne trembleras pas |de frayeur devant moi
et je ne t’écraserai pas.

Tu as dit devant moi,
et j’ai bien entendu |le son de tes paroles :
« Je suis irréprochable |et je n’ai pas commis |de transgression ;
moi, je suis innocent, |je n’ai rien fait de mal[t].
10 Cependant, Dieu invente |contre moi des prétextes,
et il me considère |comme son ennemi[u] :
11 il a mis mes pieds dans des fers
et il surveille tous mes pas. »

12 En cela, tu n’as pas raison, |laisse-moi te le dire,
car Dieu est bien plus grand que l’homme.
13 Pourquoi lui fais-tu un procès ?
Il n’a de compte à rendre |pour aucun de ses actes[v].
14 Et pourtant, Dieu nous parle, |tantôt d’une manière
et puis tantôt d’une autre. |Mais l’on n’y prend pas garde.
15 Il parle par des songes |et des visions nocturnes,
quand un profond sommeil |accable les humains
endormis sur leur couche.
16 Alors il se révèle |à l’oreille des hommes,
scellant les instructions |dont il les avertit,
17 afin d’écarter l’homme |de ses agissements,
de le préserver de l’orgueil.
18 Ainsi, le garde-t-il |hors de la tombe,
il le préserve |des coups du javelot.

19 Ou encore, il corrige |l’homme par la souffrance |qui le tient sur sa couche,
lorsque ses os |s’agitent sans arrêt.
20 Le voilà dégoûté |de toute nourriture,
il n’a plus d’appétit |pour les mets les plus fins.
21 La chair sur son corps dépérit, |elle ne se laisse plus voir,
et ses os qu’on ne voyait pas |sont maintenant saillants.
22 De la fosse, il s’approche
et sa vie est livrée |aux anges de la mort.

23 Mais s’il se trouve auprès de lui |un ange interprète de Dieu[w],
un parmi les milliers,
pour lui faire savoir |quel est le droit chemin,
24 qui ait pitié de lui |et qui demande à Dieu :
« Délivre-le du gouffre, |qu’il n’y descende pas,
j’ai trouvé sa rançon »,
25 alors sa chair retrouve |sa fraîcheur juvénile,
et il revient aux jours |de sa jeunesse.
26 Il peut invoquer Dieu, |qui lui rend sa faveur,
il se présente à lui |avec des cris de joie.
Car Dieu le reconnaît |à nouveau comme juste.
27 Il se met à chanter |et, devant tout le monde,
il dit : « J’avais péché |et perverti le droit,
et je n’ai pas subi |ce que je méritais.
28 Car Dieu a délivré |mon être de la fosse
et il a maintenu |ma vie dans la lumière. »
29 Vois, Dieu fait tout cela
deux fois, trois fois pour l’homme,
30 pour le détourner de la tombe
et pour l’illuminer |de la lumière des vivants.

31 Sois donc attentif, Job, |écoute-moi !
Tais-toi, que je puisse parler.
32 Toutefois, si tu as |quelque chose à répondre, |dis-le, réplique-moi,
car je serais heureux |de reconnaître |ton innocence.
33 Si tu n’as rien à dire, |alors écoute-moi,
tais-toi, |et je t’apprendrai la sagesse.

Footnotes

  1. 30.4 Cette herbe salée est parfois identifiée à l’arroche qui pousse sur les rives de la mer Morte.
  2. 30.5 A cause des méfaits qu’ils ont commis.
  3. 30.12 Autre traduction : Ces gamins.
  4. 30.12 Pour accuser Job. L’accusateur se place à la droite de l’accusé au tribunal (Ps 109.6 ; Za 3.1).
  5. 30.16 Autre traduction : je me lamente sur moi-même.
  6. 30.17 mes nerfs : autre traduction : mes douleurs.
  7. 30.18 il s’agrippe à mon vêtement : d’après l’ancienne version grecque ; le texte hébreu traditionnel a : Dieu devient pour moi comme un vêtement.
  8. 30.29 En faisant entendre des cris qui ressemblent à ceux de ces animaux ; même image en Mi 1.8.
  9. 31.7 Voir Mt 5.28.
  10. 31.10 Travail des esclaves (Ex 11.5 ; Es 47.2).
  11. 31.27 Geste exprimant la vénération et l’adoration (1 R 19.18 ; Ps 2.12 ; Os 13.2). L’adoration des corps célestes était une forme très ancienne de l’idolâtrie, interdite par la Loi (Dt 4.19 ; 17.3 ; voir Ez 8.16-17).
  12. 31.29 Voir Ex 23.4-5 ; Mt 5.43-47.
  13. 31.33 Autre traduction : comme les hommes.
  14. 31.35 Littéralement : mon tav, dernière lettre de l’alphabet hébreu. Cette lettre, en forme de croix, servait de signature à ceux qui ne savaient pas écrire, d’où l’autre sens suggéré par certains traducteurs : voilà ma signature, c’est-à-dire : je persiste et je signe.
  15. 31.36 Parfois on portait des déclarations sur l’épaule pour en rappeler l’importance (voir Ex 28.12).
  16. 32.2 Bouz, frère d’Outs (Jb 1.1 ; Gn 22.21) : le pays de Bouz est mentionné dans Jr 25.23 avec Téma et Dedân comme faisant partie de l’Arabie.
  17. 32.2 Voir 35.2.
  18. 32.3 Les copistes juifs indiquent en marge qu’ils ont corrigé le texte original pour mettre : et qu’ils avaient ainsi condamné Job. Ces copistes voulaient éviter l’idée d’une condamnation de Dieu.
  19. 32.15 C’est-à-dire les trois amis de Job.
  20. 33.9 Voir 10.7 ; 23.11-12 ; 27.6 ; 31.
  21. 33.10 Voir 9.17 ; 13.24 ; 19.11.
  22. 33.13 Autre traduction : pourquoi lui reproches-tu de ne pas répondre aux questions qu’on lui pose ?
  23. 33.23 Certains comprennent un messager et pensent à un humain (ce pourrait être Elihou lui-même). Il semble pourtant plus naturel d’y voir un ange chargé de faire comprendre à l’homme ce que Dieu veut lui dire par sa souffrance, comme le suggère la fin du verset. D’autres comprennent : un ange intercesseur.