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21 Job prit la parole et dit:

Écoutez, écoutez mes paroles, Donnez-moi seulement cette consolation.

Laissez-moi parler, je vous prie; Et, quand j'aurai parlé, tu pourras te moquer.

Est-ce contre un homme que se dirige ma plainte? Et pourquoi mon âme ne serait-elle pas impatiente?

Regardez-moi, soyez étonnés, Et mettez la main sur la bouche.

Quand j'y pense, cela m'épouvante, Et un tremblement saisit mon corps.

Pourquoi les méchants vivent-ils? Pourquoi les voit-on vieillir et accroître leur force?

Leur postérité s'affermit avec eux et en leur présence, Leurs rejetons prospèrent sous leurs yeux.

Dans leurs maisons règne la paix, sans mélange de crainte; La verge de Dieu ne vient pas les frapper.

10 Leurs taureaux sont vigoureux et féconds, Leurs génisses conçoivent et n'avortent point.

11 Ils laissent courir leurs enfants comme des brebis, Et les enfants prennent leurs ébats.

12 Ils chantent au son du tambourin et de la harpe, Ils se réjouissent au son du chalumeau.

13 Ils passent leurs jours dans le bonheur, Et ils descendent en un instant au séjour des morts.

14 Ils disaient pourtant à Dieu: Retire-toi de nous; Nous ne voulons pas connaître tes voies.

15 Qu'est-ce que le Tout Puissant, pour que nous le servions? Que gagnerions-nous à lui adresser nos prières?

16 Quoi donc! ne sont-ils pas en possession du bonheur? -Loin de moi le conseil des méchants!

17 Mais arrive-t-il souvent que leur lampe s'éteigne, Que la misère fonde sur eux, Que Dieu leur distribue leur part dans sa colère,

18 Qu'ils soient comme la paille emportée par le vent, Comme la balle enlevée par le tourbillon?

19 Est-ce pour les fils que Dieu réserve le châtiment du père? Mais c'est lui que Dieu devrait punir, pour qu'il le sente;

20 C'est lui qui devrait contempler sa propre ruine, C'est lui qui devrait boire la colère du Tout Puissant.

21 Car, que lui importe sa maison après lui, Quand le nombre de ses mois est achevé?

22 Est-ce à Dieu qu'on donnera de la science, A lui qui gouverne les esprits célestes?

23 L'un meurt au sein du bien-être, De la paix et du bonheur,

24 Les flancs chargés de graisse Et la moelle des os remplie de sève;

25 L'autre meurt, l'amertume dans l'âme, Sans avoir joui d'aucun bien.

26 Et tous deux se couchent dans la poussière, Tous deux deviennent la pâture des vers.

27 Je sais bien quelles sont vos pensées, Quels jugements iniques vous portez sur moi.

28 Vous dites: Où est la maison de l'homme puissant? Où est la tente qu'habitaient les impies?

29 Mais quoi! n'avez-vous point interrogé les voyageurs, Et voulez-vous méconnaître ce qu'ils prouvent?

30 Au jour du malheur, le méchant est épargné; Au jour de la colère, il échappe.

31 Qui lui reproche en face sa conduite? Qui lui rend ce qu'il a fait?

32 Il est porté dans un sépulcre, Et il veille encore sur sa tombe.

33 Les mottes de la vallée lui sont légères; Et tous après lui suivront la même voie, Comme une multitude l'a déjà suivie.

34 Pourquoi donc m'offrir de vaines consolations? Ce qui reste de vos réponses n'est que perfidie.

22 Éliphaz de Théman prit la parole et dit:

Un homme peut-il être utile à Dieu? Non; le sage n'est utile qu'à lui-même.

Si tu es juste, est-ce à l'avantage du Tout Puissant? Si tu es intègre dans tes voies, qu'y gagne-t-il?

Est-ce par crainte de toi qu'il te châtie, Qu'il entre en jugement avec toi?

Ta méchanceté n'est-elle pas grande? Tes iniquités ne sont-elles pas infinies?

Tu enlevais sans motif des gages à tes frères, Tu privais de leurs vêtements ceux qui étaient nus;

Tu ne donnais point d'eau à l'homme altéré, Tu refusais du pain à l'homme affamé.

Le pays était au plus fort, Et le puissant s'y établissait.

Tu renvoyais les veuves à vide; Les bras des orphelins étaient brisés.

10 C'est pour cela que tu es entouré de pièges, Et que la terreur t'a saisi tout à coup.

11 Ne vois-tu donc pas ces ténèbres, Ces eaux débordées qui t'envahissent?

12 Dieu n'est-il pas en haut dans les cieux? Regarde le sommet des étoiles, comme il est élevé!

13 Et tu dis: Qu'est-ce que Dieu sait? Peut-il juger à travers l'obscurité?

14 Les nuées l'enveloppent, et il ne voit rien; Il ne parcourt que la voûte des cieux.

15 Eh quoi! tu voudrais prendre l'ancienne route Qu'ont suivie les hommes d'iniquité?

16 Ils ont été emportés avant le temps, Ils ont eu la durée d'un torrent qui s'écoule.

17 Ils disaient à Dieu: Retire-toi de nous; Que peut faire pour nous le Tout Puissant?

18 Dieu cependant avait rempli de biens leurs maisons. -Loin de moi le conseil des méchants!

19 Les justes, témoins de leur chute, se réjouiront, Et l'innocent se moquera d'eux:

20 Voilà nos adversaires anéantis! Voilà leurs richesses dévorées par le feu!

21 Attache-toi donc à Dieu, et tu auras la paix; Tu jouiras ainsi du bonheur.

22 Reçois de sa bouche l'instruction, Et mets dans ton coeur ses paroles.

23 Tu seras rétabli, si tu reviens au Tout Puissant, Si tu éloignes l'iniquité de ta tente.

24 Jette l'or dans la poussière, L'or d'Ophir parmi les cailloux des torrents;

25 Et le Tout Puissant sera ton or, Ton argent, ta richesse.

26 Alors tu feras du Tout Puissant tes délices, Tu élèveras vers Dieu ta face;

27 Tu le prieras, et il t'exaucera, Et tu accompliras tes voeux.

28 A tes résolutions répondra le succès; Sur tes sentiers brillera la lumière.

29 Vienne l'humiliation, tu prieras pour ton relèvement: Dieu secourt celui dont le regard est abattu.

30 Il délivrera même le coupable, Qui devra son salut à la pureté de tes mains.

23 Job prit la parole et dit:

Maintenant encore ma plainte est une révolte, Mais la souffrance étouffe mes soupirs.

Oh! si je savais où le trouver, Si je pouvais arriver jusqu'à son trône,

Je plaiderais ma cause devant lui, Je remplirais ma bouche d'arguments,

Je connaîtrais ce qu'il peut avoir à répondre, Je verrais ce qu'il peut avoir à me dire.

Emploierait-il toute sa force à me combattre? Ne daignerait-il pas au moins m'écouter?

Ce serait un homme droit qui plaiderait avec lui, Et je serais pour toujours absous par mon juge.

Mais, si je vais à l'orient, il n'y est pas; Si je vais à l'occident, je ne le trouve pas;

Est-il occupé au nord, je ne puis le voir; Se cache-t-il au midi, je ne puis le découvrir.

10 Il sait néanmoins quelle voie j'ai suivie; Et, s'il m'éprouvait, je sortirais pur comme l'or.

11 Mon pied s'est attaché à ses pas; J'ai gardé sa voie, et je ne m'en suis point détourné.

12 Je n'ai pas abandonné les commandements de ses lèvres; J'ai fait plier ma volonté aux paroles de sa bouche.

13 Mais sa résolution est arrêtée; qui s'y opposera? Ce que son âme désire, il l'exécute.

14 Il accomplira donc ses desseins à mon égard, Et il en concevra bien d'autres encore.

15 Voilà pourquoi sa présence m'épouvante; Quand j'y pense, j'ai peur de lui.

16 Dieu a brisé mon courage, Le Tout Puissant m'a rempli d'effroi.

17 Car ce ne sont pas les ténèbres qui m'anéantissent, Ce n'est pas l'obscurité dont je suis couvert.

24 Pourquoi le Tout Puissant ne met-il pas des temps en réserve, Et pourquoi ceux qui le connaissent ne voient-ils pas ses jours?

On déplace les bornes, On vole des troupeaux, et on les fait paître;

On enlève l'âne de l'orphelin, On prend pour gage le boeuf de la veuve;

On repousse du chemin les indigents, On force tous les malheureux du pays à se cacher.

Et voici, comme les ânes sauvages du désert, Ils sortent le matin pour chercher de la nourriture, Ils n'ont que le désert pour trouver le pain de leurs enfants;

Ils coupent le fourrage qui reste dans les champs, Ils grappillent dans la vigne de l'impie;

Ils passent la nuit dans la nudité, sans vêtement, Sans couverture contre le froid;

Ils sont percés par la pluie des montagnes, Et ils embrassent les rochers comme unique refuge.

On arrache l'orphelin à la mamelle, On prend des gages sur le pauvre.

10 Ils vont tout nus, sans vêtement, Ils sont affamés, et ils portent les gerbes;

11 Dans les enclos de l'impie ils font de l'huile, Ils foulent le pressoir, et ils ont soif;

12 Dans les villes s'exhalent les soupirs des mourants, L'âme des blessés jette des cris... Et Dieu ne prend pas garde à ces infamies!

13 D'autres sont ennemis de la lumière, Ils n'en connaissent pas les voies, Ils n'en pratiquent pas les sentiers.

14 L'assassin se lève au point du jour, Tue le pauvre et l'indigent, Et il dérobe pendant la nuit.

15 L'oeil de l'adultère épie le crépuscule; Personne ne me verra, dit-il, Et il met un voile sur sa figure.

16 La nuit ils forcent les maisons, Le jour ils se tiennent enfermés; Ils ne connaissent pas la lumière.

17 Pour eux, le matin c'est l'ombre de la mort, Ils en éprouvent toutes les terreurs.

18 Eh quoi! l'impie est d'un poids léger sur la face des eaux, Il n'a sur la terre qu'une part maudite, Il ne prend jamais le chemin des vignes!

19 Comme la sécheresse et la chaleur absorbent les eaux de la neige, Ainsi le séjour des morts engloutit ceux qui pèchent!

20 Quoi! le sein maternel l'oublie, Les vers en font leurs délices, On ne se souvient plus de lui! L'impie est brisé comme un arbre,

21 Lui qui dépouille la femme stérile et sans enfants, Lui qui ne répand aucun bienfait sur la veuve!...

22 Non! Dieu par sa force prolonge les jours des violents, Et les voilà debout quand ils désespéraient de la vie;

23 Il leur donne de la sécurité et de la confiance, Il a les regards sur leurs voies.

24 Ils se sont élevés; et en un instant ils ne sont plus, Ils tombent, ils meurent comme tous les hommes, Ils sont coupés comme la tête des épis.

25 S'il n'en est pas ainsi, qui me démentira, Qui réduira mes paroles à néant?

Réponse de Job à Tsophar

Pourquoi les méchants prospèrent-ils ?

21 Job prit la parole et dit :

Ecoutez, je vous prie, |écoutez ce que je vous dis,
accordez-moi du moins |cette consolation.
Supportez que je parle
et, quand j’aurai parlé, |tu pourras te moquer.

Est-ce contre des hommes |que se porte ma plainte ?
Comment ne pas perdre patience !
Tournez-vous donc vers moi, |vous serez stupéfaits
au point de perdre la parole.
Moi-même quand j’y songe, |j’en suis épouvanté,
et un frisson d’horreur |s’empare de mon corps.

Pourquoi les gens qui font le mal |demeurent-ils en vie ?
Pourquoi vieillissent-ils, |en reprenant des forces ?
Leur descendance s’affermit |à leurs côtés,
et leurs petits-enfants |prospèrent sous leurs yeux.
Leurs maisons sont paisibles, |à l’abri de la crainte,
et le bâton de Dieu |ne vient pas les frapper.
10 Leurs taureaux sont toujours |vigoureux et féconds,
leurs vaches mettent bas |sans jamais avorter.
11 Ils laissent courir leurs enfants |comme un troupeau d’agneaux,
leurs petits vont s’ébattre.
12 Accompagnés des tambourins |et de la lyre, ils chantent,
et au son de la flûte, |ils se réjouissent.
13 Ainsi leurs jours s’écoulent |dans le bonheur
et c’est en un instant |qu’ils rejoignent la tombe.

14 Or, ils disaient à Dieu : |« Retire-toi de nous,
nous n’avons nulle envie |de connaître comment tu veux |que nous conduisions notre vie.
15 Qu’est donc le Tout-Puissant |pour que nous le servions[a] ?
Qu’y a-t-il à gagner |à lui adresser des prières ? »

16 Le bonheur de ces gens |n’est-il pas dans leurs mains[b] ?
Mais loin de moi |l’idée de suivre leurs conseils !
17 Voit-on souvent s’éteindre |la lampe des méchants[c],
ou bien la ruine |fondre sur eux ?
Dieu leur assigne-t-il |leur part de sa colère ?
18 Quand sont-ils pourchassés |comme une paille au vent
ou comme un brin de chaume |qu’emporte la tempête ?
19 Dieu réserverait-il |aux enfants du méchant |la peine qu’il mérite ?
Ne devrait-il pas au contraire |l’infliger au méchant lui-même |pour qu’il en tire la leçon ?
20 Que, de ses propres yeux, |il assiste à sa ruine
et qu’il soit abreuvé |de la fureur du Tout-Puissant.
21 Que lui importe donc |le sort de sa maison |quand il ne sera plus,
quand le fil de ses mois |aura été tranché ?
22 Pourrait-on enseigner |quelque savoir à Dieu,
lui qui gouverne |tous les êtres célestes ?
23 L’un meurt plein de vigueur, |dans la sérénité,
et en toute quiétude.
24 Ses flancs sont pleins de graisse
et ses os pleins de moelle.
25 Tel autre va s’éteindre |l’amertume dans l’âme,
sans avoir goûté au bonheur.
26 Et tous deux, ils se couchent |dans la poussière
et ils sont recouverts |par la vermine.

27 Oui, vos pensées, je les connais,
les réflexions blessantes |que vous entretenez |à mon encontre[d].
28 Vous me demanderez : |« Où donc est maintenant |la maison du tyran ?
Et la demeure des méchants, |qu’est-elle devenue ? »

29 Mais interrogez donc |les passants du chemin,
et ne contestez pas |les preuves qu’ils apportent.
30 Oui, le jour du désastre |épargne le méchant,
au jour de la colère, |il est mis à l’abri.
31 Qui osera lui reprocher |en face sa conduite ?
Et qui lui paiera de retour |tout le mal qu’il a fait ?
32 Il est porté en pompe |au lieu de sépulture,
on veille sur sa tombe.
33 Les mottes du vallon |qui recouvrent son corps |lui sont légères.
Tout un cortège |a marché à sa suite,
des gens sans nombre |l’ont précédé.
34 Comment donc m’offrez-vous |des consolations aussi vaines ?
Car, vraiment ce qui reste |de toutes vos réponses, |ce n’est que fausseté.

Troisième discours d’Éliphaz

Eliphaz accuse Job de divers crimes

22 Eliphaz de Témân prit la parole et dit :

Dieu aurait-il besoin |des services d’un homme ?
Le sage n’est utile qu’à lui-même !
Importe-t-il au Tout-Puissant |que tu sois juste ou non ?
Quel intérêt a-t-il |à te voir vivre |d’une façon intègre ?
Est-ce parce que tu le crains |qu’il te fait des reproches,
et qu’il entre en jugement avec toi[e] ?
Ne t’es-tu pas rendu coupable |de nombreux torts ?
Oui, tes péchés sont innombrables.
Tu prenais sans raison |des gages de tes frères,
et, de leurs vêtements, |tu dépouillais les gens |jusqu’à les laisser nus[f].
Tu ne donnais pas d’eau |à un homme épuisé
et, à qui avait faim, |tu refusais le pain.
Tu livrais le pays |à l’homme fort
et tu y installais |qui tu voulais favoriser[g].
Tu renvoyais les veuves |sans rien leur accorder
et tu brisais la force |des orphelins.
10 Voilà pourquoi des pièges |sont tendus tout autour de toi,
voilà pourquoi soudain |des frayeurs t’épouvantent.
11 Ne vois-tu donc pas ces ténèbres,
toute cette eau qui te submerge ?

12 Dieu n’habite-t-il pas |tout là-haut dans le ciel ?
Vois la voûte étoilée, |comme elle est élevée !
13 Mais toi, tu dis : |« Dieu, que peut-il savoir ?
Peut-il exercer la justice |à travers les nuées ?
14 Les nuages le cachent |et il ne peut pas voir,
tandis qu’il se promène |sur le pourtour du ciel. »

15 Tiens-tu donc à rester |sur cet ancien sentier,
suivi depuis toujours |par ceux qui font le mal ?
16 Qui, prématurément, |sont retranchés
et dont les fondements |sont comme un fleuve qui s’écoule ?
17 Eux qui disaient à Dieu : |« Eloigne-toi de nous ! »
et : « Que pourrait nous faire |le Tout-Puissant[h] ? »
18 Et, pourtant, il comblait |leurs maisons de bien-être.
Mais loin de moi |l’idée de suivre leurs conseils[i].
19 Car les justes verront leur ruine |et ils se réjouiront,
ceux qui sont innocents |les railleront, disant :
20 « Voilà nos adversaires : |ils sont anéantis
et ce qui restait d’eux |le feu l’a dévoré. »
21 Accorde-toi donc avec lui, |fais la paix avec lui.
Ainsi tu connaîtras |de nouveau le bonheur.
22 Accepte l’instruction |émanant de sa bouche,
prends à cœur ses paroles.
23 Si tu reviens |au Tout-Puissant |tu seras rétabli,
tu feras disparaître |l’iniquité de ta demeure.
24 Si tu jettes l’or pur |dans la poussière
et l’or d’Ophir[j] |aux cailloux du torrent,
25 alors le Tout-Puissant |sera pour toi de l’or,
et des monceaux d’argent,
26 car alors tu feras |tes délices du Tout-Puissant,
tu lèveras |le visage vers Dieu.
27 Oui, tu l’imploreras, |et il t’exaucera,
et tu t’acquitteras |des vœux que tu as faits[k].
28 Aux décisions que tu prendras |répondra le succès,
et, sur tous tes chemins, |brillera la lumière.
29 Et si quelqu’un est abattu, |tu le relèveras,
car Dieu vient au secours |de qui baisse les yeux.
30 Il délivrera même |celui qui est coupable.
C’est grâce à tes mains pures |que cet homme sera sauvé.

Réponse de Job à Éliphaz

Job ne trouve plus Dieu

23 Job prit la parole et dit :

Oui, maintenant encore, |ma plainte est faite de révolte[l] :
je fais tous mes efforts |pour étouffer mon cri[m].
Si je pouvais savoir |où je le trouverais,
je me rendrais alors |jusqu’à sa résidence,
je pourrais, devant lui, |plaider ma juste cause,
et j’aurais bien des arguments |à présenter.
Je saurais sa réponse,
je comprendrais enfin |ce qu’il voudra me dire.
Emploierait-il sa grande force |pour plaider contre moi ?
Bien au contraire ! |Mais lui du moins, |il me prêterait attention.
Il reconnaîtrait bien |que c’est un homme droit |qui s’explique avec lui.
Alors j’échapperais |pour toujours à mon juge.
Mais, si je vais à l’est, |il n’y est pas,
si je vais à l’ouest, |je ne l’aperçois pas.
Ou est-il occupé au nord ? |Je ne peux pas l’atteindre.
Se cache-t-il au sud ? |Jamais je ne le vois.
10 Cependant, il sait bien |quelle voie j’ai suivie.
S’il me met à l’épreuve, |je sortirai pur comme l’or.
11 Car j’ai toujours suivi |la trace de ses pas.
J’ai marché sur la voie |qu’il a prescrite, |je n’en ai pas dévié.
12 Je ne me suis pas écarté, |de ses commandements.
J’ai fait plier ma volonté |pour obéir à ses paroles.
13 Mais lui, il est unique, |qui le fera changer ?
Et tout ce qu’il désire |il l’exécute.
14 Oui, il accomplira |le décret qu’il a pris |à mon sujet,
comme tant d’autres |qu’il a mis en réserve.
15 C’est pourquoi devant lui |je suis plein d’épouvante
et, plus j’y réfléchis, |et plus j’ai peur de lui.
16 Dieu m’a découragé :
le Tout-Puissant |m’a rempli d’épouvante.
17 Car ce ne sont pas les ténèbres |qui me réduisent au silence[n]
et pourtant devant moi, |l’obscurité recouvre tout.

Pourquoi Dieu ne juge-t-il pas les méchants ?

24 Pourquoi le Tout-Puissant |n’a-t-il pas réservé des temps |pour exercer son jugement ?

Et pourquoi ceux qui le connaissent |ne voient-ils pas les jours |de son intervention ?

On déplace les bornes[o],
on vole des troupeaux |et on les mène paître,
on s’empare de l’âne |appartenant à l’orphelin,
c’est le bœuf de la veuve |que l’on retient en gage.
On empêche les pauvres |de se déplacer librement[p].
Et les malheureux du pays |n’ont plus qu’à se cacher.
Tels des ânes sauvages |vivant dans le désert,
les malheureux s’en vont |dès l’aube à leur travail, |cherchant leur nourriture.
La steppe doit fournir |du pain pour leurs enfants,
ils doivent moissonner |le fourrage des champs
et grappiller |les vignes du méchant.
Ils se couchent tout nus, |faute de vêtement,
sans rien pour se couvrir, |quand il fait froid.
L’averse des montagnes |les laisse tout transis
et, n’ayant pas d’abris, |ils doivent se serrer |tout contre le rocher.
On arrache de force |l’orphelin au sein de sa mère,
on exige des gages |des indigents[q].
10 On les fait marcher nus, |privés de vêtements,
et on leur fait porter des gerbes |tout en les laissant affamés.
11 Ils pressent les olives |dans les enclos d’autrui,
et foulent les vendanges |tout en mourant de soif.
12 On entend dans la ville |les gens[r] se lamenter
et les blessés se plaignent.
Mais Dieu ne prend pas garde |à ces atrocités !

13 Or, contre la lumière |les méchants se révoltent,
ils ignorent ses voies
et quittent ses sentiers.
14 Au point du jour, |le meurtrier se lève,
afin d’assassiner |le pauvre et l’indigent
et, quand la nuit arrive, |il devient un voleur.
15 Les yeux de l’adultère |guettent le crépuscule :
« Nul œil ne me verra », |se dit-il,
et il couvre |son visage d’un voile.
16 Quand il fait sombre |on force les maisons[s],
mais, de jour, on s’enferme,
refusant la lumière.
17 L’aube pour tous ces gens |est un sombre moment,
car c’est là qu’ils éprouvent |les frayeurs des nuits noires.

18 Oui le méchant est emporté[t], |léger sur la face de l’eau !
Et il n’a sur la terre |qu’un domaine maudit,
il ne prend pas |le chemin de ses vignes.
19 Comme un sol altéré |absorbe l’eau des neiges |dans la chaleur du jour,
voilà le pécheur englouti |par le séjour des morts.
20 Le sein qui le porta |ne se souviendra plus de lui
tandis que la vermine |en fera ses délices,
il tombe dans l’oubli.
Le péché est abattu comme un arbre.
21 Ces gens ont exploité |la femme sans enfant,
et n’ont pas été bons |envers la veuve …

22 Oui il emporte les tyrans |par sa puissance.
Le voilà qui se dresse |et ils perdent l’espoir |de demeurer en vie[u].
23 S’il leur a accordé |d’être en sécurité |et de gagner en assurance,
c’est en gardant les yeux |fixés sur leur conduite.
24 Eux, pour un peu de temps, |ils s’étaient élevés, |puis ils ont disparu.
Ils sont tombés |comme tous ceux que l’on moissonne,
ils ont été coupés |comme des épis mûrs.
25 Qui me démentira |en prétendant |qu’il n’en est pas ainsi ?
Et qui réfutera |le discours que je tiens ?

Footnotes

  1. 21.15 Autre traduction : pour que nous lui rendions un culte.
  2. 21.16 Autre traduction : Certes, le bonheur de ces gens n’est pas entre leurs mains.
  3. 21.17 C’est-à-dire mourir sans laisser de descendant (Pr 13.9). Job demande à ses amis combien de fois les « lois » qu’ils lui ont rabâchées se vérifient.
  4. 21.27 Autre traduction : Les mauvais desseins que vous me prêtez.
  5. 22.4 Autre traduction : Crois-tu que par crainte de toi il va te présenter sa défense et aller en justice avec toi ?
  6. 22.6 Voir Ex 22.25-26 ; Dt 24.6, 12-13.
  7. 22.8 Autre traduction : Tu te prenais pour l’homme fort à qui appartient le pays, et pour un habitant privilégié.
  8. 22.17 D’après l’ancienne version grecque et la version syriaque ; le texte hébreu traditionnel a : lui faire.
  9. 22.18 Eliphaz reprend l’affirmation de Job (21.16). Au lieu de : mais moi, j’écarte leurs conseils, l’ancienne version grecque a : mais ils l’ont tenu en dehors de leurs projets.
  10. 22.24 C’est-à-dire l’or le plus fin et le plus cher (voir 1 R 9.28 ; 10.11 ; Ps 45.10 ; Es 13.12).
  11. 22.27 On accompagnait souvent ses prières de vœux.
  12. 23.2 Autre traduction : ma plainte est traitée de révolte.
  13. 23.2 L’ancienne version grecque a : à mon cri, il répond par sa main pesante.
  14. 23.17 Ce ne sont pas les ténèbres mais, sous-entendu, Dieu (voir v. 16). Hébreu obscur. Autres traductions : car devant les ténèbres, je ne me suis pas tu, ou : car me voilà anéanti devant les ténèbres.
  15. 24.2 Voir Dt 19.14 ; Pr 22.28.
  16. 24.4 Autre traduction : on bouscule les pauvres hors du chemin.
  17. 24.9 Voir Ex 22.25-26 ; Dt 24.6, 12-13.
  18. 24.12 Certains comprennent, en changeant une voyelle de l’hébreu et conformément à la version syriaque : les mourants.
  19. 24.16 En Orient, les maisons étaient souvent faites en pisé (argile séchée mélangée à la paille) ou en briques non cuites. Elles étaient donc faciles à forcer ou à percer (Mt 6.19-20).
  20. 24.18 Job reconnaît ici (v. 18-24) que pour certains méchants – mais certains seulement – il arrive ce qu’affirment ses amis. D’autres voient dans ces versets des malédictions prononcées par Job contre les méchants : Que le méchant soit emporté …
  21. 24.22 Autre traduction : Non ! Dieu, par sa puissance, prolonge les jours des tyrans. Ils n’imaginaient pas rester en vie, et les voilà debout.